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Les Mille Yeux de Brian De Palma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Les 1000 yeux de Brian de Palma est finalement le premier grand livre d’analyses sur De Palma en France…

Luc Lagier : Il y en a eu d’autres, mais que je ne trouve pas, à titre personnel, forcément satisfaisants… Mais il y a eu de très bons articles dans Les Cahiers du Cinéma, dans Positif, etc. C’est l’un des auteurs les plus étudiés, et ça m’a d’ailleurs questionné au début. Qu’est-ce que j’allais faire de tous ces textes que je trouvais d’ailleurs pour la plupart assez passionnants ? Je ne voulais pas en mettre de côté donc j’en ai cité certains, mais j’ai voulu revenir à une forme de virginité personnelle par rapport à De Palma, en revoyant les films en boucle, en notant toutes les intuitions que j’avais et que je n’avais pas lues ailleurs.  Si mes idées concordaient avec ce qui avait déjà été écrit, je citais les textes, il était hors de question de « pomper » les choses, mais en l’occurrence, je suis parti vers des idées très personnelles, un peu barrées…


Objectif Cinéma : Au-delà de De Palma, ton livre est le premier grand livre de la cinéphilie décomplexée.

Luc Lagier : C’est une très belle formule, c’est le côté lisible qui te fait dire ça ?


Objectif Cinéma : Oui, et aussi par rapport à l’approche générationnelle du cinéma. Chaque génération est marquée par une façon d’aborder le cinéma, on retrouve cela quand tu parles de ta découverte des films de De Palma sur feu « La Cinq », la chaîne de télévision de Berlusconi…

Luc Lagier : C’est bien pour cela que je commence mon livre par là, par cette découverte personnelle du cinéma de De Palma à la télévision. C’est presque le plus important. J’ai présenté Greetings lors d’une soirée, et un spectateur m’a dit : « C’est incroyable, votre première phrase, c’est tout à fait moi ». J’ai répondu exprès : « C’est parce que vous êtes le lecteur idéal, cette phrase est pour vous ! ».

  Greetings (c) D.R.

J’ai découvert le cinéma un petit peu dans les salles et beaucoup à la télévision et des films interdits que je regardais sur cassettes vidéo… La Cinq passait des films de Carpenter, Le convoi de la peur de Friedkin, tous les De Palma… Et j’ai découvert ces films avant de découvrir Hitchcock, Welles, Michael Powell, ou Billy Wilder. C’est assez drôle de passer par là ! J’ai découvert le cinéma avec des films qui étaient hantés. Je ne le sentais pas à la première vision, mais dès que j’ai compris qu’il y avait des films cachés derrière les films, ça a complètement obsédé ma cinéphilie. Plus le cinéma vieillit, plus les réalisateurs jeunes ont un passé lourd à porter, et plus le cinéma est hanté par certaines figures. Effectivement, ce n’est pas étonnant que ce soit des gens de notre génération qui écrivent aujourd’hui des livres sur De Palma. Car nous avons pris ses films comme des films hommages incroyables. Pour les cinéphiles qui ont aujourd’hui entre 30 et 40 ans ou entre 25 et 35 ans, il n’y a pas le problème de la citation obsessionnelle par rapport à Hitchcock, on ne considère pas De Palma comme un « pilleur », par exemple.

J’ai découvert De Palma à l’adolescence, au moment où j’étais sensible à des cinéastes avec un personnalité telle qu’elle crevait l’écran. De Palma, c’est l’obsession de l’affirmation de soi. C’est très fascinant quand on est adolescent.  C’est peut-être plus facile de découvrir et d’aimer le cinéma par De Palma que par Spielberg. Il fonctionne parfaitement pour les jeunes générations, bien mieux que Coppola, qui a un style plus difficile à cerner. De Palma, c’est un cinéma du surlignement, extrêmement séduisant pour des gens qui commencent à s’intéresser au cinéma au bon âge, c’est-à-dire à l’adolescence. J’aurais découvert De Palma à la fac, je n’aurais jamais écrit sur lui. Carpenter c’est aussi générationnel. La plupart des gens de ma génération s’y retrouvent même s’ils n’adhérent pas à tout, mais la connexion se fait.