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Objectif Cinéma :
Notre génération ne fait plus vraiment
la distinction entre court et long-métrage, comme dans Courts-circuits,
tout est sur le même plan, court, long, documentaire, fiction…
Luc Lagier : Ca me paraissait
intéressant que tout se déplie au sein d’un même magazine.
Il suffit d’avoir un point de vue. On peut être marqué à la
fois par Blake Edwards, Michael Jackson, Luc Moullet. Je ne
saurai pas expliquer pourquoi, ni s’il y a un lien entre eux.
Le lien, c’est ce que l’on ressent en tant que spectateur,
le plaisir, ce qui a été affirmé dès le départ par Courts-circuits.
Objectif Cinéma : Les
films se répondent par-delà les formes…
Luc Lagier : Oui complètement.
Il peut y avoir des dialogues complètement improbables entre
les films. Par exemple j’ai monté un sujet sur Peter Sellers,
un personnage tellement fort qu’il crée des trous dans le
film et que le film s’arrête. On pourrait dire exactement
la même chose de Bruce Lee ou de beaucoup d’acteurs, se demander
« qu’est-ce qu’un acteur qui prend le pas sur le film,
qui crée des parenthèses ? ». La notion de cinéphilie
décomplexée est totalement juste à ce niveau, je la comprends
encore mieux maintenant. On assume complètement d’aller dans
toutes les directions dans Courts-circuits, et l’on
sait que le spectateur nous suivra parce qu’il sait qu’on
est honnête dans notre démarche.
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Objectif Cinéma :
Comment as-tu structuré ce livre ? Tu commences par « Pour
en finir avec Hitchcock », mais on en finit jamais avec
Hitchcock…
Luc Lagier : J’ai d’abord
revu tous les films, pris beaucoup de notes, je ne suis pas
parti avec des thématiques, en essayant de mettre les films
dedans. J’avais déjà écrit un livre sur Mission :
Impossible, et je savais que je relierai Blow Out,
MI et Snake Eyes, qui sont pour moi des étapes
importantes. Je voulais absolument que Blow Out soit
le film pivot, puisque je trouve que c’est le plus réussi.
Avec ce film, De Palma ne croit tellement plus au réel qu’il
va s’enfoncer encore plus dans le cinéma, dans le délire d’interprétation.
J’ai voulu commencer par une partie à peu près chronologique,
pour ne pas totalement perdre le lecteur. On passe des années
60 à Phantom of the Paradise, et si j’ai choisi
de commencer la première annexe par Phantom, c’est
parce que je crois que tout est dit dans ce film, tout est
raconté. Bizarrement les gens écrivent rarement sur ce film.
Peut-être parce que c’est une comédie musicale, mais tout
y est pourtant : la perte d’innocence, la peur du recyclage,
l’évanouissement d’une forme pure qui va se dégrader au fur
et à mesure par un travail de reproduction à l’infini, la
perversion d’une performance artistique retravaillée par le
montage, le pouvoir qui appartient à celui qui est invisible,
qui maîtrise toutes les caméras, il y a même une allusion
à l’assassinat de Kennedy.
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