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Sauvage Innocence (c) D.R.

Maintenant en aval, c’est-à-dire ce que l’on constate, je dirais que la plupart des cinéastes expérimentaux sont des gens qui s'auto-produisent. Pour des raisons qu'on pourrait définir ensuite, le système tel qu'il est aujourd'hui a récupéré beaucoup d'innovations du cinéma expérimental mais refuse de l'intégrer. C'est relatif, mais quelque part c'est une sorte de refus. Donc ce serait des gens qui s'auto-produisent.

Mais si vous me demandez ma vision, ma définition, je refuse absolument de le mettre comme un a priori, parce qu'il y a des gens qui disent « est expérimental tout ce qui est auto ». Pour moi, non. L'auto-production est un effet parce que je voudrais bien que ça change. J'aimerais qu'on puisse dire, « voilà je fais un film expérimental, et tel musée, telle grande institution…me produit ».

La seule définition que j’en donnerais serait celle que je donne toujours à mes étudiants dès le premier cours : faire du cinéma expérimental, c’est faire un choix de vie. Faire du cinéma plus commercial, c’est faire, souvent un choix de carrière. Moi, j’ai fait un choix de vie. Le cinéma expérimental est une philosophie de vie. D’ailleurs, malgré moi, mon admiration va toujours à ceux qui concilient cette esthétique avec leur mode de vie, et vice-versa, ceux qui ne se trahissent ni dans leur pratique ni dans leur vie (oserai-je dire « ceux qui ne se vendent pas » quelle que soit la proposition qu’on leur fait si elle n’est pas en adéquation avec ce qu’ils ont décidé de vivre coûte que coûte, c’est le cas de le dire)


Cineastes.net : Il faudrait des aides mais sans contreparties ?

Frédérique Devaux :
Ah bien oui ça c'est évident. J'entends des aides sans contreparties, on fait ce qu'on veut, on le fait bien… Mais « sans contre parties » ne veut pas dire pour moi sans conseils. Un cinéaste qu'il soit expérimental ou commercial - enfin dit « commercial » parce que je n’aime pas trop cette opposition - a, parfois, besoin de conseils. On fait des choses, on les fait pas bien, ou l’on ne les fait pas tout à fait comme on veut. Donc on peut nous conseiller. Mais il y aurait une autre idée qui serait d'amener à faire telle ou telle chose, et là on rentre dans le film de commande. Alors le cinéaste expérimental pourrait avoir le droit de faire aussi des films de commandes - mais c'est une autre problématique. C'est vrai que s'il se cantonne à sa recherche, celui qui va le produire, doit respecter sa recherche.

Donc moi je le définirais comme ça. Et : troisième volet - et c'est quelque chose qui doit être mis en aval, parce que je voudrais que ça change - c'est la question de la diffusion. Et là c'est vraiment ma plus grande tristesse : constater que la diffusion du cinéma expérimental, n'est pas la même, disons plutôt aussi importante et valorisée- que celle du cinéma commercial. Or je trouve qu'on devrait impérativement quand on passe un film de Lelouch, Bresson, Resnais – enfin peu importe – on devrait mettre en début de séance un film expérimental, ou un film documentaire – je n'exclus pas les autres cinémas. Accepter de le diffuser de façon normale. Et l’on ne se poserait même plus la question de « qu'est-ce que c'est que le cinéma expérimental ou le cinéma de recherche ». Cela deviendrait monnaie courante et il n'y aurait plus de cloisonnement. Or moi ce qui me fait souffrir, c'est le cloisonnement incessant au niveau de la production et de la diffusion. Ce sont les deux points ou j'ai envie de me battre, où j'ai d'ailleurs beaucoup essayé de me battre. J'ai fait un festival de diffusion de cinéma où l’on mettait justement un peu de tout. On a essayé aussi de faire beaucoup de travail de production, pour aller à l'encontre, de ce genre de courant. Mais on ne peut pas lutter tout seul contre le courant.