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  La Bataille d'Alger (c) D.R.

Nadia Meflah :  Mais on se sent du côté de ce pauvre homme qui se fait battre et pas de celui d’Ali Lapointe. On éprouve de la compassion.

Gillo Pontecorvo : Absolument pas, si c’est comme ça, je le regrette. C’est la première fois que je l’entends dire. Au contraire, je trouve ça très beau que les gosses soient contre cette génération qui n’a pas la force morale de mener une lutte pure comme l’a été celle contre le colonialisme. Enlever l’alcool, enlever la drogue, la prostitution ; c’est très bien. On est d’accord. C’est juste et c’est beau, selon nous. Pour mener une bataille aussi importante, avant tout il faut être en phase avec soi-même.


Mathilde Marx :  Cependant, Ali La Pointe, avant d’être recruté, faisait partie de réseaux de prostitution et a été aussi recruté par Saadi Yacef parce qu’il était possible de réinvestir ces réseaux pour la lutte politique. La réalité est donc peut-être plus nuancée.

Gillo Pontecorvo :  Je ne comprends pas très bien… Dans la réalité, vous dites ? Mais dans la réalité, ce n’est pas Saadi Yacef qui a recruté  Ali La Pointe. Mais à l’époque, je crois qu’il y avait un mouvement très large. Il ne faut pas confondre les détails du film avec la réalité que vous connaissez certainement mieux que moi. Mais je vais vous dire une chose : ce qui caractérise la lutte contre le colonialisme, c’est que souvent, des individus qui étaient révoltés de façon pas très juste, dans la lutte, après, et pendant la bataille, ils devenaient des individus sur lesquels on pouvait compter. Et ça, ce n’était pas seulement en Algérie, mais aussi dans des endroits où il pouvait y avoir une situation de colonialisme qui suscitait des révoltes contre le colonialisme.

La Bataille d'Alger (c) D.R.

Nadia Meflah : Ce qui est bouleversant dans votre film, c’est votre capacité à filmer aussi le quotidien de la ville, la vie des algériens notamment. Lorsque ces jeunes filles sortent de la Casbah, on comprend bien que c’est la première fois de leur vie qu’elles vont dans un café, elles pourraient être à l’égal des jeunes gens de la Nouvelle Vague, grands habitués des bars. La portée politique du film est dans la représentation du quotidien, des algérois parqués dans leur propre ville.

Gillo Pontecorvo : Non, ne disons pas que c’est un film politique, c’est un film.


Nadia Meflah : Savez-vous que les images de votre film sont utilisées comme documents d’archive pour raconter « La Bataille d’Alger »?

Gillo Pontecorvo : En Italie, ça se fait souvent, mais je ne le savais pas pour l’étranger. [à sa femme en italien : Quanti giorni fà ? elle répond : otto] Oui, il y a 8 jours, moi, je n’étais pas à la maison, mais on m’a raconté.  Une scène de torture : « C’est incroyable ! Mais c’est identique ». Et après, ils ont dit : « C’est pris dans le film ! ». [rires]