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Nadia Meflah :
Votre film viendrait donc combler
un défaut d’images de cette période de la guerre d’Algérie ;
qu’en pensez vous ?
Gillo Pontecorvo : C’est
très bien, tant mieux ! D’ailleurs, c’est parfait parce
qu’avant de faire un millimètre de mise en scène, on voulait
connaître ce que c’était la réalité. Ce n’est pas difficile
de le dire : on a imité ce cadre qui généralement nous
était décrit. Et la BBC (chaîne de télévision anglaise)
en parlant de la Bataille d’Alger a dit que
la définition meilleure pour mon cinéma c’était « la
dictature de la vérité ».
Nadia Meflah : Quelle
a été votre réaction première quand vous avez appris que le
Pentagone voulait voir votre film ? Est-ce que vous avez
eu un mouvement de surprise, voire de refus car on peut soupçonner
une récupération douteuse de votre film par un gouvernement
américain qui est en train de faire des guerres d’oppression ?
Gillo Pontecorvo : Je
crois qu’ils voulaient simplement donner à leurs officiers
une odeur de la situation, parce que dans le détail, ils la
connaissent bien mieux que ce qu’un film peut en dire. Ça
n’indique qu’une atmosphère pour leur faire connaître, sans
y passer des heures, une situation qui, je le répète, peut
être semblable. C’est très très bizarre. Mais rien
de plus. Il y a deux mois Le New York Time a écrit
quelque chose qui me semble très juste, en polémiquant contre
ceux qui disaient que le Pentagone faisait ça pour faire connaître
une stratégie de guerre « La bataille d’Alger
ne peut pas et ne veut pas apprendre comment on fait la
guerre et comment on se défend dans la guérilla, mais elle
peut apprendre à faire du cinéma ».
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Mathilde Marx :
À l’époque où vous avez tourné il
y avait à Alger une école de cinéma. Est-ce que vous aviez
eu des contacts avec eux, avec René Vautier ou Ahmed Rachedi
qui travaillaient là-bas ?
Gillo Pontecorvo : Non,
malheureusement pas. [sa femme intervient en nommant quelques
personnes]. Ma femme dit que peut-être Nourredine, et
Moussa Haddad étaient intéressés à des écoles de cinéma locales ;
c’est possible, mais je ne sais pas…Vous savez, quand on tourne
un film, on est tellement submergé par un tas de problèmes
quotidiens que l’on ne sait plus rien…
Nadia Meflah : Il
nous semble que dans votre film, il y a une référence
à un passage de Frantz Fanon.
Gillo Pontecorvo : Frantz
Fanon était extrêmement important pour Franco Solinas et moi-même,
parce que son approche de la situation coloniale est tellement
géniale et utile qu’on a lu deux fois le livre. Il nous a
fait comprendre un tas de choses.
Nadia Meflah : Lequel
de ses livres ?
Gillo Pontecorvo : Je
ne sais pas.
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