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  Dysneyland mon vieux pays natal (c) D.R.

Objectif Cinéma : La présence récurrente du camion comme figure monstrueuse qui traverse l’histoire, mais aussi, dans l’histoire racontée de la baleine, indique une certaine attirance pour la figure. Mais ces figures ne sont là que pour être détournées. Dans Adieu, il s’agit d’un camion, dans Disneyland... de Mickey et de ses autres compères : est-ce que c’est cela qui vous intéresse, prendre des motifs de la société contemporaine, des allégories pour ainsi dire, et les détourner de manière à parler, moins d’elle que de la société qui les a produites ?

Arnaud des Pallières : Je suis tout à fait d’accord. La petite nuance que j’aurai à apporter, c’est que le camion et Mickey sont deux objets différents :  le camion fonctionne comme un corps métaphorique, et Mickey plutôt comme une icône. Mais ils ont en commun d’être des objets de notre monde présent qui me permettent de faire une opération qui m’est chère et propre à tous mes films, qui est d’allier le plus intime au plus universel. À travers ces figures, ce que tissent les deux films, c’est un rapport entre ma pensée intime, mes petits fantômes, mes petites images, l’enfance, etc. et quelque chose de plus universel, plus contemporain. C’est le rapport entre les deux qui m’intéresse, pas forcément l’un ou l’autre, mais ce qui se situe entre les deux, et le fait que tout d’un coup une conviction intime devienne partageable et que les spectateurs puissent se la réapproprier comme objet de pensée intime.


Objectif Cinéma : Dans le film de la conférence de Gilles Deleuze à la FEMIS que vous avez réalisé en 1987, dont le titre était « Qu’est-ce que l’acte de création ? », il y a cette phrase bien connue de l’affinité fondamentale entre l’acte de création et l’œuvre d’art : est-ce que cette idée est pour vous importante, eu égard à l’engagement dont témoignent vos films ?

Arnaud des Pallières : Le premier geste que j’ai fait en tant qu’étudiant quand j’étais à la FEMIS a été à la fois d’inviter Gilles Deleuze, d’organiser cette conférence et de lui soumettre un questionnaire après lecture de L’Image Mouvement et de L’Image Temps, parce qu’en tant qu’étudiant, je tenais à régler des différends que j’avais sur des points théoriques, intellectuels et artistiques sur des questions qui me semblaient trés fortes, qui se résumaient si vous voulez à une phrase clé qui était : « l’art n’a rien à voir avec la communication ». Là où je trouve une source qui continue de couler abondamment dans tous mes films, c’est le moment de cette conférence où Deleuze dit que ce qui importe lorsqu’on est cinéaste, ce n’est pas d’avoir des idées mais d’avoir des idées en cinéma. Au fond, je crois que je n’ai de cesse quand je fais des films, de faire quelque chose qui ne peut se faire « qu’en cinéma ». D’où quelque chose qui s’est fait très vite, dès le premier court-métrage que j’ai fait juste après, qui s’appelle La mémoire d’un ange, qui relate une légende qui court à propos de l’histoire de la Commune de Paris en 1871. La première chose importante dans la fabrication de ce film, ça a été la possibilité d’avoir des idées en cinéma. Cela se jouait dans le travail non naturel du rapport entre l’image et le son. Il m’a semblé que l’intérêt du cinéma, c’était qu’il y avait à la fois l’image et le son. Le cinéma doit pouvoir profiter de cette possibilité très largement sous employée et sous-estimée, à de rares exceptions prés.