La gazette du doublage : Le
doublage québécois fait un retour remarqué à la télévision,
y compris en France, par le biais de programmes à destination
de la jeunesse. Si certaines sociétés canadiennes mettent
un point d’honneur à doubler au Québec d’autres ont choisi
ces dernières années de doubler en masse en Europe. Quelle
est votre sentiment sur ce dossier ?
Pierre Curzi : Quand
je suis devenu président de l’Union des artistes il y avait
alors une véritable guerre entre le milieu du doublage français
et l’industrie québécoise du secteur. Je me suis dit que c’était
absurde et nous avons pensé que puisque la France a réussi
à obtenir un décret qui oblige les distributeurs de films
en langue étrangère à passer par un doublage fait en France
avec des Français nous devrions obtenir le même dispositif
juridique et nous inspirer de l’exemple français.
Ca a donné au dossier un autre éclairage : c’est un droit
culturel que d’avoir accès aux cultures étrangères dans sa
propre langue et dans le respect des spécificités langagières.
A cela s’ajoute évidemment l’aspect économique et le Québec
a imposé qu’un film ne puisse pas sortir sur son sol uniquement
en langue anglaise (les films américains sortant simultanément
aux Etats-Unis et au Québec, considéré comme « marché
domestique »).
Pour ce qui est de la télévision, nous doublons essentiellement
des séries pour les jeunes mais nous avons constatés que dans
la majorité des cas il s’agit de co-productions où les lois
du marché font que parfois les séries sont doublées en France
avec des voix originales en anglais sur des scénarios écrits
en français et traduits en anglais. Nous nous efforçons de
convaincre les diffuseurs de ces programmes soit de doubler
chez nous soit d’avoir des voix originales de chez nous afin
que les ententes entre la France et le Québec ne se fassent
pas à notre détriment.
La gazette du doublage :L’Uda est active sur plusieurs fronts,
notamment sur celui du doublage avec des initiatives de lobbying
spectaculaires. Ainsi le 27 février avec Hélène Mondoux vous
avez dévoilé lors d’une conférence de presse les noms des
majors de la distribution lauréates des prix Orange et Citron
du doublage. Autrement dit, celles qui doublent régulièrement
leurs films au Québec et celles qui ne les doublent qu’en
France. Comment les intéressés ont-ils pris la chose ?
Pierre Curzi : Ils
ont réagi assez vivement. A l’Uda nous souhaiterions qu’une
loi inspirée du décret français règle le problème mais les
différents gouvernements s’y sont refusés mais si nous ne
pouvons obtenir cette loi il est important que nous conservions
un marché vigoureux.
Des mesures de subventions et de crédits d’impôt vont en ce
sens en limitant le coût du doublage (bien que nos prix ne
soient pas exhorbitants) mais nous savons bien que l’entente
Valenti-Lemieux 1 accordant des avantages financiers aux majors
si ils doublent au Québec, avait pour corollaire qu’ils maintiendraient
au Québec un niveau de doublage raisonnable, disons 70% soit
3 films sur 4.
Mais si on laisse un de ces majors commencer à ne plus doubler
au Québec les autres suivront ; donc il faut maintenir
une certaine pression sur leur image de marque, à laquelle
ils sont très sensibles. Hollywood et Toronto (où les majors
ont des représentants) ont eu une réaction très rapide et
nous continuons nos discussions avec eux.
C’est aussi très important quant à l’adéquation culturelle
entre la version doublée et le public qui la consomme. Walt
Disney, qui double la majeure partie de ses films chez nous
pour leur sortie québécoise l’a très bien compris.