Objectif Cinéma :
N’y a-t-il pas également un frein psychologique face à la
tradition du 35 mm ?
Frédéric Comtet :Dans une salle de cinéma, les
gens ne se soucient pas si c’est du 35 mm ou du numérique,
du moment qu’ils sont pris dans l’émotion du film. D’autres
éléments rentrent en compte. Les critères de qualité de l’image
évoluent. Avant, il fallait une image très léchée, aujourd’hui,
on accepte une image dénaturée si elle s’inscrit dans un propos
qui lui correspond. Tarnation en est un bon exemple,
le matériau de départ est d’assez mauvaise qualité. On accepte
qu’une image puisse avoir une histoire.
Objectif Cinéma :
Peut-être que les exploitants
ont peur qu’il y ait une surproduction de films à cause du
numérique.
Frédéric Comtet :Ça
ne les empêche pas de faire un choix. Il y a déjà une surproduction.
Plus on fera de films, plus il y aura la chance de voir de
bons films. Ce n’est pas parce qu’on a accès plus facilement
à la technique qu’on a automatiquement du talent, mais ça
va donner plus facilement une chance à ceux qui en ont pour
faire leur premier film. L’objectif du festival est de prouver
que la production en numérique est très riche et créative,
et que cela permet de faire voyager les films plus facilement
qu’avant. Ça valait le coup de créer ce festival axé uniquement
sur ces critères, qui sont principalement esthétiques. Le
numérique doit apporter quelque chose de créatif au film.
Le contenu ne fait que se développer et devient de plus en
plus intéressant.
Objectif Cinéma :Comment
se passe la programmation du festival ?
Frédéric Comtet :Une personne se charge globalement
de la programmation, Marc Ferrieu, mais c’est aussi un choix
collectif. Le travail se fait tout au long de l’année, notamment
par le biais d’Internet et dans d’autres festivals étrangers,
qui viennent aussi chez nous choisir des films. Il y a un
échange de contenu qui permet d’avoir un éventail plus large.
Les deux critères essentiels sont : est-ce que les nouvelles
technologies ont apporté quelque chose à ce film, et est-ce
que le film aurait-il pu se faire sans ces nouvelles technologies ?
Objectif Cinéma :
Vous faites vraiment une différence
entre le cinéma classique et le cinéma numérique ?
Frédéric Comtet :Fatalement le numérique change les
choses. Il y a des films qui se font dans une certaine économie
et qui n’auraient pas pu se faire autrement. A l’inverse,
certains films ont besoin d’un certain budget pour se faire.
Les différences de budget entraînent des différences de catégories
de film. Les films d’auteur se font avec des budgets plus
réduits car ils n’ont pas les mêmes ambitions commerciales
que les films grand public. Il s’avère que les petits films
se feront de plus en plus en numérique, puisque c’est la seule
alternative pour les faire. La France est un grand pays producteur
de films. C’est le deuxième producteur occidental après les
Etats-Unis en quantité de films. Mais il y a de plus en plus
de films qui ont des difficultés à se financer, puisque les
chaînes de télévision investissent de plus en plus dans les
grosses productions.