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  JL Godard
Objectif Cinéma : Le numérique annule-t-il la différence entre cinéma et télévision. La télévision n’est-elle pas un support idéal pour le numérique ?

Frédéric Comtet : La télévision est un support idéal pour le numérique puisque la qualité de l’image est quasiment équivalent à la béta. C’est une logique purement économique qui n’amènera pas de nouveautés sur le plan artistique, puisque pour les chaînes de télévision, les critères restent les mêmes. Au cinéma, ça permet vraiment de faire des films différemment pour des coups moindres. On a déjà connu ce cas de figure en quelque sorte avec la Nouvelle Vague dans les années 60. Le point de départ était aussi une évolution technologique, puisque les jeunes réalisateurs voulaient faire des films avec plus de liberté et être les auteurs de leurs films. Comme ils tournaient avec peu d’argent, ils ne pouvaient pas tourner en studio, ils ont donc essayé de trouver des systèmes pour sortir des studios et ont inventé des caméras beaucoup plus légères. L’apparition de la Nouvelle Vague coïncide avec l’apparition de ces nouvelles caméras. Le numérique, c’est un peu une nouvelle « Nouvelle Vague », il y a des similitudes. Comme le fait de pouvoir faire un film tout seul. C’est un pas de plus par rapport à la Nouvelle Vague qui permettait de tourner caméra à l’épaule, avec une équipe réduite, ce qu’a amené Godard par exemple. Le numérique peut aller encore plus loin, puisque les réalisateurs sont encore plus autonomes, ils peuvent tourner seuls, monter seuls. De nouvelles formes d’expression vont naître. Le journal filmé de Tarnation, c’est en quelque sorte un nouveau genre.


Objectif Cinéma : Le numérique remet en cause les frontières du cinéma. N’importe quel film devient-il du cinéma ?

Frédéric Comtet : On peut discuter longtemps sur la définition du cinéma. Certains exploitants disent « si ce n’est pas du 35mm, c’est pas du cinéma », mais je me permets de les ramener à la définition originale du cinéma : une image en mouvement, simplement. Le cinématographe, c’est un point de départ qui n’a fait qu’évoluer. Il y a toujours eu des supports différents, et toujours une volonté de dire « ce n’est pas du cinéma », mais dès qu’on se sert de l’image en mouvement et qu’on raconte une histoire, c’est du cinéma. Après c’est une histoire de support, de diffusion, mais le geste reste le même.


Tarnation

Objectif Cinéma : On revient presque à l’essence du cinéma, puisque les premières images que les frères Lumière ont tournées étaient des films de famille, comme Le déjeuner de bébé.

Frédéric Comtet : Exactement, ils tournaient chez eux, sur leur lieu de travail. C’est devenu ensuite une industrie qu’on a voulu codifier. C’est difficile de rapprocher Méliès de n’importe quel réalisateur américain de films grand public, mais ils partent de la même origine. Heureusement que le cinéma évolue. Le numérique a la particularité de faire éclater les frontières, entre fiction et documentaire, mais aussi entre le cinéma, la photo, la musique, le texte. C’est le seul support qui a la capacité de tout véhiculer sur le même support, c’est ça la vraie nouveauté. On peut aussi facilement manipuler du texte, de la photo, etc. Tarnation est un film emblématique de cette évolution. Il n’a pas seulement été tourné en numérique, mais il a été monté aussi de cette manière. Je voulais le programmer au festival parce que j’en avais entendu parler via Sundance, et c’est en le sollicitant qu’on s’est aperçu que le film n’avait pas encore de distributeur en France.  Comme ça faisait longtemps que j’avais envie de faire de la distribution, on s’est lancé. Mon parcours a commencé dans le marketing du cinéma, donc la distribution ne m’est pas totalement étrangère.