Objectif Cinéma :
En ce moment, tu travailles en super-8 ?
Rodolphe Cobetto-Caravanes :
Oui. Quand tu commences à faire
« sérieusement » des films, tu te donnes des étapes
du genre : « Je ferai mon premier film en 35mm
à 35 ans », mais ce n’est pas pour les bonnes raisons.
Le fait d’être connu, c’est quelque chose qui m’a toujours motivé,
même si j’aime de moins en moins cette idée. Au bout d’un moment,
tu as juste envie de faire des choses biens, de montrer des
choses différentes aux gens. Le 35mm, ça fait sérieux alors
que le super-8 non. Je pensais passer au 16mm pour évoluer jusqu’à
faire de « vrais » films, mais je me suis rendu compte
que je me trompais. C’est sans doute dû à Twentuno qui
a été gonflé en 35mm : je me suis rendu compte que je pouvais,
et même que je devais, continuer en super-8. Twentuno
a été sélectionné dans des festivals classiques, et même trop
classiques. Quand Twentuno passe dans un festival, grâce
au fait qu’il soit en 35mm, ça permet d’ouvrir une brèche au
cinéma expérimental dans une programmation de films classiques.
Quand j’ai vu mon film projeté au milieu de tous les autres,
j’ai eu une drôle d’impression, et les spectateurs peut-être
aussi, puisque certains ne semblaient pas comprendre pas les
images qu’ils voyaient. Il n’y a pas d’histoire racontée comme
dans les autres films.
Le problème ce n’est pas d’être classique ou pas, mais c’est
de faire les choses comme on a envie de les faire, et de ne
pas penser en termes cinématographiques classiques. J’ai beaucoup
discuté avec des gens qui faisaient des courts-métrages. Quand
on veut faire un court, on ne commence pas sans avoir les subventions,
la boîte de production derrière pour pouvoir tourner. Dans le
cinéma underground, il se passe la chose inverse. On fait un
film, point. C’est le côté punk, « do it yourself »,
tout d’un coup, tout est possible. Après, tu penses à l’avenir
de ton film.
Je me suis intéressé un temps au court-métrage, et dans chaque
festival, il y avait des films de fin d’étude, où le chef opérateur
veut montrer ce qu’il sait faire, idem pour le réalisateur,
pour le décorateur, etc… Ce qui est pas mal en soit, mais pas
bénéfique au film. Je sais que c’est dans l’idée de réaliser
un long-métrage après, mais ce serait plus intéressant de faire
quelque chose auquel on croit vraiment.
Objectif Cinéma : Comment
se sont finies tes études ?
Rodolphe Cobetto-Caravanes :
Je découvrais des images que
je n’avais jamais vues, un champ hyper vaste, même pas un
genre, une multitude de genres. J’ai passé ma maîtrise en
cinéma expérimental, ce qui était un peu plus compliqué
que les autres, puisqu’il fallait faire un film plus un
mémoire de 100 pages minimum. Mon sujet était : « images
de l’ambiguïté à travers le cinéma expérimental »,
et j’ai eu mon diplôme grâce à mon film, Untitled#1,
que j’ai travaillé pendant un an, comme on travaille un
scénario, avec une longue maturation. C’est un film vraiment
froid et inquiétant, avec un son continu, très trash. Entre
temps, j’ai commencé à tourner des clips vidéos pour des
copains, de fil en aiguille j’ai tourné un clip puis deux
pour Diabologum, puis pour Mendelson. J’ai refusé des choses
quand j’estimais que le morceau n’était pas terrible, je
me prenais un peu pour une star. Mais finalement je me suis
repris, et j’ai essayé de mettre de l’eau dans mon vin.
J’ai tourné un truc entre deux eaux pour Autour de Lucie,
pour le marché anglais. Puis je me suis aperçu que je n’étais
pas capable de réagir à n’importe quel projet. Comme avec
Keren Ann à l’époque où elle n’était pas celle d’aujourd’hui.
Je me souviens toujours de cette discussion que j’avais
eue avec elle : elle me disait qu’il lui fallait d’abord
intégrer les majors pour ensuite faire les choses qui lui
plaisaient, et c’est ce qu’elle à fait. C’est un peu l’inverse
de moi. J’ai essayé de faire quelque chose pour le groupe
dont elle faisait partie, ça n’a pas marché. Mais c’était
une belle rencontre.