Objectif Cinéma : J’aime
beaucoup ton film Le bord intime des foules...
Rodolphe Cobetto-Caravanes :
Moi aussi ! J’avais tourné les images du Bord intime
des foules en 1996, en Angleterre, mais il a été beaucoup
remonté depuis. Au dernier remontage, sur une idée de celle
qui n’était pas encore ma femme, j’ai viré tous les plans
où il y avait l’acteur. J’ai rajouté une musique au violoncelle
que je voulais retravailler, sampler, mais qui marchait
déjà tellement bien que je l’ai laissé telle quelle. Je
l’ai projeté à une séance Braquage, et les gens sont venus
me voir à la fin de la projection, comme éblouis. Et depuis,
j’y suis très attaché.
C’est un film sur la solitude, sur ce qui se passe quand
tu rentres chez toi et que personne ne t’attend. Il a la
durée d’une chanson, d’une chanson triste. On se retrouve
souvent dans les chansons tristes, on est bien dedans, c’est
une valeur refuge. J’aime beaucoup la musique de Palace,
très neurasthénique, ou « Nebraska » de Bruce
Springsteen, « Toutes les filles sont parties »
de Daniel Darc…
Un de mes films a manqué de s’appeler « Rifugio ».
C’était une performance. Le film passait, et je racontais
une histoire en live, façon stand up comedy. C’était l’histoire
de mon père, sur un ton comique donc, alors que c’était
très triste. La première fois que je l’ai fait, c’était
devant Les Petits Films, et j’ai senti que j’avais provoqué
des sentiments très forts, ce que je n’imaginais pas au
départ. Cette performance s’appellait Destrugere
(Détruire en italien).
J’essaye de faire quelques choses
avec Le Bord intime des foules, j’aimerais qu’il
ait une vie comme Twentuno, mais financièrement ce
n’est pas le même cas de figure. Twentuno a eu une histoire incroyable : Je l’ai
présenté au Thecif qui m’a subventionné, j’ai été suivi
par une maison de production, le labo a tiré trois copies
au lieu de deux, le RADI (à la maison du film court) l’a
pris, a tiré dix copies pour pouvoir le passer dans tous
les cinémas Art et Essai de France. Mais ce n’est pas le
cas pour Le Bord intime des foules.
Entre temps j’ai fait Ajar (film de found-footage
à partir d’un film porno) spécialement pour l’ouverture
d’une séance Braquage qui s’intitulait « Les Feux de
l’amour ». Au début, je l’ai fait en dilettante, il
ne devait être montré que là, une seule fois. Finalement,
je me suis pris au jeu et je l’ai travaillé à fond. Les
gens ont aussi beaucoup aimé. Je l’ai aussi passé à la FEMIS
(!) et il a bien marché. Depuis Les Petits Films, j’ai en
attente pas mal de films commencés, mais pas finis, auxquels
je tiens. J’en ai aussi détruit ou donné beaucoup.