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Mon voyage d'hiver

Objectif Cinéma : On a l’impression que ce qui vous importe dans ce film n’est pas seulement de transmettre une mémoire du passé, mais également un rapport à l’art.

Vincent Dieutre : Absolument, le rapport à l’art et le rapport à l’émotion artistique, à la croyance. Tous mes films démontent au maximum le mécanisme de la fiction et du cinéma pour remettre tout à plat et voir ce qui reste quand on y croit plus, c’est-à-dire que je donne à voir la caméra, l’équipe, je montre l’ensemble des choses. En revanche, grâce au montage et à la durée, l’émotion parvient à rester. Si l’émotion passe, elle est démultipliée par toutes les distances que j’ai pu prendre. Je cherche à questionner les dispositifs eux-mêmes. C’est d’ailleurs ce qui me rapproche de l’art contemporain par certains cotés même si les enjeux de mes films sont d’ordre classique, c’est-à-dire que je mets à plat le temps comme l’espace pour voir si cette musique a une résonance contemporaine aujourd’hui. C’est ce qui m’intéresse, de voir si la culture est de l’ordre d’un devoir - devoir de muséification, ou si c’est un véhicule de questionnement et de subversion.


Objectif Cinéma : Est-ce que cette volonté de ne pas produire une fiction mais de filmer la vie « au creux de l’art », votre vie, n’implique que vous vous éloignerez durablement de la fiction.

Vincent Dieutre : La fiction m’intéresse, au sens cinémato-graphique du terme actuel, c’est-à-dire ce que j’appelle l’actorat et la dialoguisation, qui viennent de la tradition du théâtre. Toutefois ce qui m’intéresse dans le cinéma, c’est sa relation avec la peinture, avec la littérature, avec la musique, en tant que creuset d’autre chose, et ça cela existe dès le début, dès les plans lumières. Ca n’était pas une évidence qu’on allait faire du cinéma la continuation du théâtre dans ces termes là. Actuellement j’ai l’impression que le marché et principalement les médias de masse font que tout s’est concentré sur cette forme de l’actorat et de la fiction mais qui représente un des possibles du cinéma. La vidéo, la télévision etc., ont par exemple remis en place des tas d’autres dispositifs possibles. En soi l’alternative fiction / documentaire n’est pas mon souci, mais plus celui d’arriver à cette liberté auxquels sont parvenus les écrivains depuis l’invention du roman moderne qui de mêler l’un et l’autre. C’est sa propre expérience qu’on révèle, on a beau se dire que l’on se met à la place de quelqu’un, c’est quand même de soi que l’on parle, donc il faut l’assumer.

Ce que je remarque c’est qu’on est un petit groupe comme ça dans le cinéma français à faire ça, à être un peu à distance du film. Giraudie, moi, Henri-François Imbert, Arnaud des Pallières, Chantal Akerman, on se connaît très bien, on se regroupe souvent autour de Point ligne plan. C’est souvent des gens qui font des installations, il y a aussi Jean-claude rousseau, des gens plus discrets qui vivent sur d’autres circuits de distribution. Je le formule peut-être plus directement dans mes films, ces questions qu’est-ce que c’est que faire un film, qu’est-ce que c’est que regarder un film. Il y a un contact direct qui se fait avec la voix-off, c’est de l’ordre de la déclamation, de l’adresse à quelqu’un.