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L’ART ET L’INSTITUTION

Enseigner le cinéma : mission impossible ?

La femis (c) D.R.
L’Hypothèse cinéma fonde son projet pédagogique sur cette conviction que le cinéma est un art. " Question de fond " et paradoxe fondamental : quelle peut- être la place du cinéma dans l’institution, alors que le cinéma (l’art en général) est précisément ce qui met en péril l’institution ?

" Une institution comme celle de l’Education Nationale peut-elle prendre en compte l’art (et le cinéma) comme un bloc d’altérité ? […] Est-ce à l’école de faire ce travail ? Est-elle bien placée pour le faire ? Une réponse s’impose : l’école telle qu’elle fonctionne n’est pas faite pour ce travail, mais elle est en même temps, aujourd’hui, pour le plus grand nombre d’enfants, le seul lieu où cette rencontre avec l’art peut se faire. […] Je ne sais toujours pas si l’éducation nationale peut prendre en compte l’art comme un bloc d’altérité, mais je reste convaincu qu’elle le doit et que l’école à sa base, elle, le peut. " (p.21)

Alain Bergala soumet un raisonnement simple : le cinéma est un art, c’est-à-dire une " création du nouveau ", une irruption d’inédit, un avènement de ce qui est radicalement autre. Or, l’école est une institution, c’est-à-dire un lieu de conservation des acquis, de "maintien de l’ordre", le lieu par excellence de la répétition du même : " L’institution a par nature tendance à normaliser, à amortir, voire à absorber cette part de danger que représente la rencontre avec toute forme d’altérité, pour se rassurer, et rassurer ses agents " (p.20). Comment alors le cinéma et l’école pourraient-ils se rencontrer ? On peut objecter à cette interrogation que l’art s’enseigne déjà, que le cinéma a déjà ses écoles et ses filières universitaires. Alain Bergala ne l’ignore évidemment pas. Mais, la mission qu’il a acceptée n’était pas de concevoir une formation professionnelle pour des étudiants désireux d’exercer un métier de cinéma – ce à quoi sont destinées les écoles déjà existantes (FEMIS, Louis Lumière,…) –, ni une formation universitaire pour des étudiants… voués à nourrir l’institution.

 

TRADITION DE L’ENSEIGNEMENT, ENSEIGNEMENT DE LA TRADITION

Le cinéma comme langage

  Pasolini (c) D.R.
L’université représente pour l’auteur la cible de ses principales critiques : elle est, par excellence, l’institution pédagogique française. Elle a pour objectif plus ou moins avoué de se reproduire elle-même : l’université forme des universitaires. Ce système, caricatural dans la filière littéraire où l’alternative est soit de passer les concours de recrutement pour devenir enseignant, soit de pousser le cursus jusqu’aux diplômes supérieurs pour devenir enseignant-chercheur, est le modèle de la filière cinématographique. Or, pour celle-ci, l’alternative, soit enseigner soit chercher, se révèle être une aporie. Il n’existe en effet pas de concours de recrutement pour enseigner le cinéma, et la recherche dans ce domaine est en toute logique réservée à de rares élus. Aussi les étudiants se pressent-ils, de plus en plus nombreux, dans un cul-de-sac.

" [Aux] étudiants en cinéma considérant qu’il était scandaleux que leurs études spécialisées ne leur ouvrent pas les portes à une forme de professorat de cinéma, [l’auteur conseille] de se demander si c’est une bonne chose pour l’art qu’ils ont choisi, que de le "caser", à tous les sens du terme, dans un enseignement de type traditionnel, [et ensuite] de chercher une autre façon d’apporter leurs compétences en cinéma dans l’école que de devenir à vie des professeurs-de-cinéma. " (p.21)

Si l’on est convaincu que le cinéma est un art, que l’art est une création de nouveau, il doit alors importer avant tout de rénover l’enseignement du cinéma. Or, l’université en tant qu’institution vise essentiellement à maintenir sa tradition d’enseignement, comme une condition à son propre maintien.