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  Jean-Louis Schefer (c) D.R.
C’est là son rôle le plus délicat à remplir, parce que les plus belles rencontres avec l’art et le cinéma sont souvent " imprévues " et " clandestines ", et qu’elles se jouent aussi souvent pour l’enfant en-dehors de l’école ; parce qu’une telle initiation demande à l’école et à ses agents de remplacer la relation d’enseignant à élève par une relation de " personne à personne ". C’est aussi un rôle décisif, pour que le moment de la rencontre ne soit pas seulement ponctuel mais aussi engagé dans un processus de re-vision et de révision des œuvres, et pour que le film rencontré soit relié, rapproché et confronté à d’autres films, l’occasion d’autres rencontres et la condition d’une culture du cinéma.

Pour ce faire, l’école devrait bénéficier d’une " collection de films " et les enfants d’un accès facile et souple à cette collection.

" La stratégie qui m’a semblé la plus juste et la plus urgente, au sein de l’Education Nationale, était de deux ordres : fournir un premier capital de films susceptibles de constituer une alternative au cinéma de pure consommation ; établir et proposer, grâce aux possibilités du DVD, une pédagogie du cinéma légère en didactisme, fondée essentiellement sur la mise en rapport de films, de séquences, de plans, d’images venues d’autres arts "

Ce choix du DVD comme support d’initiation répond à la fois au progrès contemporain de la technique, à la pratique courante de visionnement des films – on sait que le DVD est en plein essor et que voir un film sur DVD suppose une approche différente de l’œuvre, par les " fragments " qui la constituent – et, malheureusement, à la raréfaction des salles de cinéma dans la plupart des régions non-urbaines de France.

Enfin, cette initiation au cinéma devrait être une initiation à la création ; la posture adoptée, celle décrite plus haut d’" analyse de création ". La tâche du pédagogue serait alors de porter attention aux " opérations mentales fondamentales de l’acte de création " :

" Au cinéma, au cours des différentes phases de travail, il faut toujours :

Elire : choisir des choses dans le réel, parmi d’autres possibles. Au tournage : des décors, des acteurs, des couleurs, des gestes, des rythmes. Au montage : des prises. Au mixage : des sons seuls, des ambiances.

Disposer : placer les choses les unes par rapport aux autres. Au tournage : les acteurs, les éléments du décor, les objets, les figurants, etc. Au montage : déterminer l’ordre relatif des plans. Au mixage, disposer les ambiances et les sons seuls par rapport aux images.

Attaquer : décider de l’angle ou du point d’attaque sur les choses que l’on a choisies et disposées. Au tournage : décider de l’attaque de la caméra (en termes de distance, d’axe, de hauteur, d’objectif) et du (ou des) micros. Au montage, une fois les plans choisis et disposés, décider de la coupe d’entrée et de sortie. Au mixage, même chose pour les sons ". (p.88)

Cette attention n’est sans doute jamais mieux soutenue que par l’observation attentive d’un cinéaste au travail (documentaires,…), par la lecture des entretiens donnés par les cinéastes et de leurs livres – il faut résister à cette tendance néfaste et dominante qui rejette la parole des cinéastes, réduite à la seule expression de leurs "intentions", au profit du seul "texte" de l’œuvre achevée –, ou encore par l’observation attentive du jeu des acteurs, seul élément de la création cinématographique qui échappe radicalement à toute volonté de maîtrise (cf. p.99 à 102).

Cette attention, enfin, doit conduire le pédagogue à accompagner les enfants dans leur propre acte de création : accompagnement qui ne doit pas viser pas à construire un objet parfait, plaisant, réussi à tout prix mais à

" présenter les films pour ce qu’ils sont, des traces d’expérience, des étapes d’un processus créatif, en insistant avant tout sur leur valeur d’apprentissage ". (p.110)