La mise en page choisie
par les éditions Nathan n'arrange pas les affaires de Dominique
Chateau. Les têtes de chapitres sont bien mises en valeur,
mais dès qu'on passe aux sous-parties, ça vasouille sévère.
On ne sait plus si tel paragraphe est une sous-partie ou une
sous-sous-partie, ce qui fait qu'on perd le fil de la réflexion.
Et pour un ouvrage qui se veut didactique jusqu'à la caricature,
ce n'est pas du meilleur effet ! En fait, d'un point de vue
formel, "Cinéma et philosophie" ressemble
assez à un "Que sais-je ?" transposé dans
un format supérieur. Le système des citations est ainsi le
même que la célèbre collection des Presses Universitaires
de France, avec retrait et écriture miniature. Mais, surtout,
l'horreur absolue est constituée par l'absence totale de photos.
Pour un livre de cinéma, art rappelons-le quand même largement
formé d'images, cela tient de l'hérésie la plus totale. Ce
serait comme faire un livre sur la littérature sans reproduire
d'extraits de romans, de poèmes ou de nouvelles à titre d'illustrations.
Du point du vue du fond, derrière des
formules ridicules de pédantisme (p 19 : "dans l'optique
de la monstration"), quelques développements sont
assez intéressants. Notamment ceux sur la Caverne de Platon,
symbolique ou non du cinéma, ou sur les théories de Deleuze.
Mais, très vite, et de manière de plus en plus marquée quand
on avance dans le récit, Dominique Chateau fait plaisir à
son ego, citant en exemple ses ouvrages précédents, et donnant
son avis sur trois quarts des réflexions de ses collègues
au lieu de les présenter avec neutralité, ce qui aurait été
beaucoup plus enrichissant. Et ô horreur absolue pour toute
dissertation qui se respecte, on peut même reprocher à son
auteur de ne pas avoir suivi son plan. Ouh, ça sent la mauvaise
note !
Dans son introduction, Dominique Chateau nous promettait d'évoquer
comment le cinéma a représenté la philosophie. Cette partie
recouvre vingt-deux pages. Les autres chapitres reviennent
plutôt à étudier comment la philosophie perçoit le cinéma,
avec certes des angles d'approches différents suivant les
parties du livre. Ainsi, Dominique Chateau privilégie un seul
aspect tordant sa problématique pour conduire son développement
vers ce qu'il maîtrise : les différents écrits de penseurs
plus ou moins philosophes sur le cinéma. Car, à l'opposé,
l'auteur semble mal connaître le cinéma. Godard, Rossellini,
Fellini, Straub, Rohmer, Eisenstein : tels sont les rares
réalisateurs cités. Une vision du septième Art assez réduite
et surtout un raccourci de l'influence que peut avoir la philosophie
sur le cinéma.
Récemment, Matrix a renouvelé
ce lien. Les frères Wachowsky ont déclaré avoir été influencés
par les textes de Baudrillard. Des professeurs de philosophie
ont même mené une thèse sur la trilogie. Le phénomène est
anecdotique, car il se base sur un phénomène de mode et des
films globalement très moyens. Mais il mérite d'être traité
pour montrer les dérives d'une certaine philosophie qui, pour
reconquérir le monde contemporain, en vient à se vautrer dans
les pires excès publicitaires et populistes de celui-ci. Mais
ce que rate surtout Dominique Chateau, c'est le travail de
certains réalisateurs qui s'appuie sur la philosophie pour
construire leur œuvre cinématographique. Et il n'est pas question
ici de cinéastes comme Godard ou Rossellini, mais de Terry
Gilliam.