Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
MISE EN SCENE DIDACTIQUE OU JEU CRUEL ?

Salam Cinéma (c) D.R.

En poussant les candidats dans leurs derniers retranchements, le cinéaste teste leur arrogance ou leur humilité, leur générosité ou leur égoïsme, comme s’il s’agissait d’une lutte pour leur survie : qui se sacrifiera, qui jouera des coudes pour éliminer les autres ?  Ainsi, les candidats à qui l’on demande de pleurer sous peine d’élimination sont placés devant un dilemme, posé en ces termes par une jeune fille rebelle : « Quelle est la différence entre un être humain et un artiste ? Je veux être les deux ! »

Dans le film, le cinéaste, réplique, implacable : « L’artiste prend ses sentiments entre ses mains et joue avec. Le cinéma appartient à ceux qui savent acheter et vendre leurs sentiments à tout moment. Ceux qui jouent bien dans la vie réussissent dans le cinéma. Et quand c’est nécessaire, ils pleurent ! » Et puis un peu plus loin dans le film, il lance ces quelques phrases qui font bondir comme une provocation suprême : « La moitié de la réussite des femmes est de pouvoir être pitoyable quand il le faut. Il faut pleurer pour être lavé dans ses larmes, pour se purifier. Sinon il est impossible de se débrouiller : Pleure pour réussir ! »

  Salam Cinéma (c) D.R.

Tout cet argumentaire a bien sûr suscité la controverse, et Makhmalbaf a été accusé de mépriser ses semblables. Pris à partie dans les colonnes de Film international, il explique qu’il joue évidemment un double rôle dans ce film et n’est pas le bourreau qu’on croit : « En tant que réalisateur derrière cette table, je ne me suis pas défendu lorsque j’ai été accusé par certaines jeunes femmes. Ne pensez-vous pas que j’aurais pu donner une meilleure image de moi-même puisque j’avais le contrôle du montage ? » Au contraire, ajoute-t-il, le film montre les gens « sous un jour très positif » : « Je montre des femmes qui ne sont pas juste là pour apporter du thé mais qui peuvent exprimer leurs sentiments et faire valoir leurs droits dans la société. » 

On est porté à croire que Makhmalbaf joue la provocation afin de susciter une réaction de la part des femmes iraniennes si l’on se souvient que le cinéaste travaille depuis 1988 avec sa femme et ses enfants (dont sa fille Samira, qui a remporté le Prix du Jury au festival de Cannes en 2000 et en 2003 pour Le Tableau noir et A cinq heures de l’après-midi).

Quoi qu’il en soit, Makhmalbaf ne nie pas que l’audition est un exercice difficile, et il confirme qu’il préfère laisser les acteurs dans le noir plutôt que de les informer du détail de leur rôle. Ironiquement, ce réalisateur qui apparaît comme un tyran dans le film, avoue même qu’il est assez négligent dans la direction d’acteurs : « Je ne donne plus les scénarios aux acteurs. Ils ne devraient pas savoir ce que l’autre va dire car une action vraie et réelle d’un acteur fait partie intégrante du film. Cette négligence dans la direction d’acteurs n’est pas un manque de confiance en soi ou un manque de professionnalisme : j’essaie de donner une réalité à une idée et de ne pas perdre le contrôle. »