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  Isabelle Giordano (c) D.R.

Canal+ a, pour sa part, trouvé la parade. Longtemps montrée du doigt pour son Journal du Cinéma vitrine-du-tout-le-monde-il-est-beau-tout-le-monde-il-est-gentil, à la tête duquel Isabelle Giordano semblait ne pas en avoir justement, se contentant de sourire joliment, la chaîne cryptée a décidé depuis deux saisons de répliquer avec Allons Au Cinéma Ce Week-end en introduisant de la critique. Oui, " de la critique ", comme on dit de la pub, des seins nus ou des cadeaux. De la vermine. Gageure, que dis-je ?, mise en péril pour cette maison fondée en 1984 et vivier du cinéma français et mondial. Mmoui… Sauf que Canal+ ne se mouille pas trop dans cette affaire.

Primo, la présentatrice maison se contente toujours de faire ce qu’elle sait si bien faire : sourire. En prime, son personnage est devenu plus complexe, bien que moins présent, par l’intervention et l’interaction de deux compères : outre lancer les sujets et les bandes-annonces, elle passe les plats.

Deuxio, la présentatrice maison est escortée de deux spécimens mâles et critiques de cinéma, par ailleurs. La vraie subtilité de la transaction tient au fait que nos deux trublions ne sont pas des critiques maison, mais issus de la presse. Ouf, la morale est sauve ! Canal+ s’en lave les mains ; et les deux " traîtres " sont auréolés d’une légitimité et d’une crédibilité que seule la presse est susceptible de fournir.

La Mécanique des femmes (c) D.R.

Tertio, la présentatrice maison sourit et rit de bon coeur aux critiques des frères-ennemis. C’est chouette ! La critique c’est ludique. La critique c’est comique. Oui, c’est vrai. Sauf qu’ici ça n’est que ludique, que comique. C’est pathétique. Et c’est même pas sexy : les potiches-critiques-faire-valoir n’ont pas été recrutés pour leur physique mais certainement pour leur organe… de presse.

Le tout est mou du genou : enthousiasme modéré, réserves molletonnées. Le plus pittoresque étant le conseil en forme de coup de coeur pour le film, la reprise, la rétrospective confidentiel(le) et en exclusivité à ne pas rater prodigué avec cet air satisfait (satisfaisant ?) du défricheur et avec cet air de dire : " ok, l’ensemble est pas génial, mais avec ce petit truc chic et branché vous ne serez pas largué dans les dîners ". Ça manque de vie, ça ne donne pas envie. Heureusement que Canal+ ne passe que sur Canal+.

Le distinguo, alors très net en matière de critique de cinéma entre la télévision et grosso modo les autres médias, semble se brouiller de ci de là. Malheureusement, le (re)positionnement est fonction d’une logique télévisuelle (promotion pure et simple ou critique à reculons pour ne pas culpabiliser le spectateur potentiel) considérant la critique comme faire-valoir, l’essentiel étant de tirer le public dans les salles. La corruption mentale est partout.

  Infidèle (c) D.R.

N’en déplaise aux plus réfractaires. Voyez la finesse et la délicatesse de la remarque concernant Fabienne Babe pour son rôle dans La Mécanique Des Femmes de Jérôme de Missolz : " toujours dans les bons coups ". Paru dans Les Inrockuptibles. Deux pages plus loin, le film de Liv Ullmann Infidèle/Trolosa, est traité avec bonheur et intelligence, en l’espèce : " Selon certains confrères tout à fait censés, sensibles, intelligents et respectables, Infidèle est un chef-d’oeuvre, une oeuvre bouleversante (…) Leur émoi est légitime mais laisse perplexe, tant on est loin de partager leur avis. Voilà qui rend humble devant l’exercice critique : une analyse de film, aussi profonde, originale ou subtile soit-elle, bute toujours sur la vérité première du goût, le noyau de subjectivité irréductible. Certaines oeuvres (…) parlent aux uns et pas aux autres. " C’est limpide, c’est profond et surtout… c’est inédit. A la place de Serge Kaganski (auteur de ces lignes, rendons à César…), j’aurais rappeler en passant que l’exercice de la critique consiste à mettre en crise… une oeuvre, pas les avis qui en découlent. C’est peut-être trop évident ?