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Or, monter c'est se condamner. Gravir c'est aggraver. La mère en a fait les frais. Issue de la plaine, la montagne lui a provoqué un asthme chronique qui lui sera fatal. La fille en fait les frais. Elle aurait dû descendre à la plaine, y vivre sa vie et s'accomplir en tant qu'institutrice ; son père en a décidé autrement. Le bouèbe en fera les frais. Parti seul affronter la montagne, et la chose, c'est dans les hauteurs extrêmes que son destin se refermera un peu plus encore sur lui-même.

Mission Impossible (c) D.R.

Parce que descendre à la plaine, " voir d'autres gens " dira la fille, c'est aller vers un autre possible. Alors, on n'y descend jamais seul, comme pour mieux conjurer toute éventualité. On y descend fissa pour se ravitailler, prendre des nouvelles.

On se raccroche à la montagne, comme impossible de résister.

Surtout à l'heure où en l'homme s'éveille la chose . S'élève la chose.

Le père initie le fils. Lui montre comment assouvir ses pulsions, quand monte en lui la lourde hérédité des Irascibles.

Il lui faut construire un mur. De ses mains. Son propre mur. Le mausolée de son enfance.

De ses mains, casser la roche. Charrier les pierres. Et monter le mur, à mesure que monte sa colère. De ses mains, caresser le flanc de la montagne. De ses doigts, farfouiller les interstices. Jusquà découvrir la faille. La fente suffisamment ouverte. Suffisamment offerte pour accueillir son pieu. L'y introduire, et l'enfoncer dun grand coup sec. La faille défoncée, la roche défaille en mille morceaux.

Il aura beau fuir. Plus loin de tous. Plus haut. Là où la brume tutoie les cimes.

Il aura beau s'épuiser à l'érection de tas de petits mausolées, rien ne lui fera titiller les cimes. Rien mais sa sœur.

Et de l'inceste jaillira l'espérance, en même temps que la tragédie.

Il serait aisé, alors, de convoquer une armada de spécialistes : la tragédie grecque, les mythes fondateurs, Freud et la psychanalyse il serait aisé, mais laissons les choses en l'état : aussi simples, aussi belles, aussi dures que l'amour monstre qui façonne le film de Fredi M. Mürer.

Comblé, je n'ai pour autant pas laissé tomber l'idée de voir M :I-2. J'ai donc appelé Marine qui m'a ri au nez.

" T'as pas quelque chose de plus intéressant à me proposer ? "

Euh, oui "Les glaneurs et la glaneuse".

" Connais pas. C'est quoi ? " Deuxième échec.

Je suis donc allé au cinéma. Seul.

  Tabou (c) D.R.

Re-séance de rattrapage : Tabou / Gohatto de Nagisa Oshima. Re-pas vu la bande annonce. Re-pas lu tout ce qui a été écrit dessus.


Donc, j'ai vu Tabou. Diable, quelle beauté ! (ou quelque chose du genre)

Oui, c'est ce qui colle pour la cadence du texte, mais j'ai encore à l'esprit le monstre du dessus. Oui, j'ai vu un monstre de film. Un film de monstres.

Monstre : n. m. Être organisé dont la conformation s'écarte de celle qui est naturelle à son espèce ou à son sexe.

Hybride : n. et adj. Qui participe de genres, de styles différents ; fait d'éléments mal assortis.

J'ai vu un film entre chien et loup. A l'heure informe du soleil couchant. Ou l'heure du repos du guerrier désoeuvré. L'interstice entre un système et sa disparition. L'heure de la décrépitude.

Il y a Sozaburo. Jeune samouraï à la beauté monstrueuse. Plus hybride qu'androgyne. Le pire et le meilleur. Celui qui redonne du conflit. Une possible guerre.