Enfin, à l’heure où j’écris,
le dernier, et non moins étrange et obscur, objet de désirs
est le couple franco-britannique formé par Prosper et Eleanor.
Etrange dans ce qu’il a d’invisible. On nous en parle. On nous
l’annonce et l’assure. Les intéressés s’en expliquent au confessionnal :
il la fait rire, elle est charmante. Mais, point d’images. Pas
le moindre petit baiser. Quelques murmures infrarouges, comme
un leitmotiv nocturne et quotidien. Au mieux une légère caresse
du Français dans le bas du dos de l’Anglaise. Le mythe du french
lover dans toute sa splendeur. Obscur dans ses motivations.
Là, je suis dépassé. Déçu. Eleanor, je t’en supplie, ne te laisse
pas aveugler par ton flegme. Ressaisis-toi.
En vérité, la production s’est assuré une
réserve fantasmatique d’un quatrième type. Il s’agit, cette
fois, de fantasmes plus inavouables, car immoraux, honteux,
scandaleux, j’en passe et pas des meilleurs… En introduisant
dans la Villa un cochon (c’est dire !), quel est le message
envoyé ? Qui, parmi vous, a, pour animal domestique,
un cochon ? Ce n’est pas un choix anodin, mais bel et
bien lourd de sens. Bien sûr, sans tomber dans la zoophilie
stricto senso, on éveille cependant chez le téléspectateur,
et le nice lofteur, l’idée de cochonnerie et de porcherie,
avec tout son cortège d’images, de références … et de fantasmes
plus ou moins gras. Et la démonstration ne se fait pas attendre.
Ainsi, Mr Nice, le propriétaire, alias la production, précise
d’emblée que “ c’est surtout l’amour et l’attention
que vous lui porterez qui feront qu’il se sentira à l’aise
ici. ” De l’amour à un cochon ? Oui, et de
la confiture à son prochain. Et Serena ne se fait pas prier,
certainement mue par un sentiment de revanche vis-à-vis de
l’intermède Ophélie Winter, aussi, prenant les conseils prodigués
(un peu trop) à la lettre, se roule-t-elle à terre avec le
cochon, se faisant allègrement lécher les mollets et les pieds…
et jusqu’à la croupe.
“ Ca m’a fait bizarre ”, admet-elle, peu
après, au confessionnal, avant de flairer par élimination,
“ parce que c’est pas un chien, c’est pas un chatte
(sic), c’est un cochon ”, et de réaliser,
“ c’est quelque chose que peut-être on mange tous
les jours ”, soudainement consciente, peut-être,
que c’est elle qui vient de se faire bouffer le c… ?
Qu’importe, elle continue : “ je sais que je
suis ridicoule ” Truisme, “mais je m’en fiche.
Parce que une vie, ça vaut toutes les vies. ” En
même temps, c’est sûr qu’après une énormité pareille, on se
dit que dans son cas, ça a du vrai. Sa vie ou celle d’un cochon…
Elle conclut ainsi : “ c’est vraiment douce,
un cochon ! ” Emouvant comme une réplique de
film X… et aussi beau à voir : elle étreint, caresse,
embrasse son compagnon, absolument radieuse. La gerbe.
Si l’amour naît immédiatement dans le cœur
de l’Italienne, c’est loin d’être le cas pour… Elena. Celle-ci,
aux dires d’Eleanor, frôle la crise cardiaque quand elle apprend
que Serena utilise les serviettes du groupe pour envelopper
son protégé. Et entre dans une colère noire lorsqu’elle surprend
l’Italienne en train d’utiliser les assiettes dans lesquelles
ils mangent pour servir d’auge au cochon. Cet épisode marque,
par ailleurs, la fin d’une journée de calvaire pour la Russe.
A midi, les discussions vont bon train autour du petit déjeuner
pour savoir comment appeler le nouveau venu et couper court
à l’idée de Serena de le baptiser Arthur. Pour une fois que
ce cochon ne lui inspirait pas de conneries ! Bien que
réservée sur la présence du porcin, Elena réussit à lui dégotter
un nom qui convainc tout le monde, en l’espèce Perso. Prosper
lui tend la main pour la féliciter et lui dit : “ Elena,
bravo ! Maintenant, tu peux encore fermer ta gueule pendant
encore trois plombes ! ” D’un geste de la main,
elle l’envoie promener, refusant toute compromission. Mais,
c’était compter sans l’intervention de Raimondo.