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  Nice People (c) D.R.

Mais, bon, parlons d’autre chose. D’autant qu’on peut apercevoir quelques trucs intéressants dans l’émission du jour. À commencer par les jeux aquatiques proposés aux Nice Lofteurs , afin de redonner vie aux inénarrables Intervilles et autres Jeux sans frontières d’une époque révolue. En soi, cela ressemble à une énième activité pour les locataires de la Villa. Et ça l’est. Mais à y regarder de plus près, on se rend compte assez vite qu’autre chose se joue dans Nice People. En effet, nos Nice Lofteurs sont invités, jour après jour, à rejouer inlassablement la télévision. On leur fait jouer l’histoire de la télévision, via des programmes emblématiques tels que l’Eurovision, La Chasse au Trésor, ou Intervilles.

Mais surtout, on leur fait jouer la télévision d’aujourd’hui. Dans une mise en abîme impressionnante, on leur fait jouer la télé-réalité et toute la gamme de ses déclinaisons. Il y a du Fear Factor dans Nice People, mais aussi du « 60 jours et 60 nuits », de par la présence de vrais People dans la Villa. Un défi de la semaine passée, intitulé « Les Liens de l’amitié », n’était autre que l’évocation du programme les Chaînes de l’amour, où les candidats, de la même façon, doivent vivre pendant des jours attachés les uns aux autres. Plus intéressante l’épreuve subite par Doc Gynéco, que nos amis devaient empêcher de dormir, et qui a tout d’une grande émission, si elle n’existe déjà ? Dans la lignée, on peut imaginer un défi sur le mode J’ai décidé de maigrir au vu d’une séquence, aujourd’hui, où Serena confie à Antti qu’elle se sent grosse, avant de poser les choses dans le confessionnal, histoire de se motiver : « Si tu te sens grosse, mange moins, essaie de maigrir. Si tu le fais pas, c’est ta faute. Alors, tais-toi et casse pas les pieds! » D’autant qu’elle n’est pas la première à évoquer le sujet : on a déjà vu Raimondo s’en plaindre auprès de Dechavanne, ou encore Karolina s’infliger le supplice de la pesée du matin. Avis à la production : il y a un filon !

Nice People (c) D.R.

Outre Intervilles , on a droit en soirée à un « jeu à la con », dixit C.Dechavanne, à savoir le « Jeu de la Vérité ». Bien sûr, me direz-vous, on quitte l’univers de la télévision au sens strict tant le jeu tient à la fois du monde de la pré-adolescence et des colonies de vacances. Certes. Mais là où il est intéressant c’est en ce qu’il est une figure emblématique, presque obligée, du loft storysme, et de tout programme de télé-réalité. C’est devenu un lieu commun, resservi à chaque fois, voire même plusieurs fois au cours d’une même saison. Parce que la (télé )réalité ne peut se satisfaire que de vérité… et, sous toutes ses formes : sincérité, honnêteté, authenticité. On le voit, ce n’est qu’histoire d’amalgame : réalité = vérité. Ce que je vois c’est la réalité donc c’est la vérité. Ainsi, plus que jamais la télévision est le médium de la vérité. Et la télé-réalité sa grande prêtresse, en ce sens sa forme ultime.

Loin de n’être que le reflet de la grande obsession d’Arthur (c’est-à-dire la télévision, qu’il ressasse à longueur d’années via les émissions qu’il présente), Nice People peut être vu comme un désir de télévision totale. Nice People est la somme de toute forme télévisuelle. Nice People est la télévision. En ce sens, l’émission nous parle aussi de la place de la télévision dans notre vie quotidienne. Un stade est franchi. Il ne s’agit plus de penser la télévision comme partie de notre réalité : elle est notre réalité. Nous pensons télévision, nous buvons télévision, nous dormons télévision, nous baisons télévision : nous ne sommes ni plus ni moins que ces Nice Lofteurs avec lesquels nous vivons, des enfants de la télé. Voilà ce que prétend Nice People, programme de télévision-réalité. Téléspectateur et acteur, je fais le spectacle que je regarde.

  Loft Story (c) D.R.

Cependant, de ce ressassement télévisuel suinte une mélancolie. Comme si se profilait la fin de quelque chose. Est-ce le chant du cygne de la télé-réalité, telle que nous la connaissons ? Assistons-nous à une sorte d’oraison funèbre avant éclosion d’une télé-réalité nouvelle génération ? Certainement. Puisque Nice People est déjà une perversion. Perversion de Loft Story, dont elle reprend le concept mais pas le projet : celui de former un couple. Il est vrai que, d’une part, Loft Story engendra plus de simulations de couples que de vrais couples, et, d’autre part, que ce projet originel est, de toute manière, mort-né du fait de Loana et Jean-Edouard qui ont anéanti la télé-réalité dans sa raison d’être en faisant de leur accouplement un acte indépassable. Seule Karine, Loft 2, aurait pu prétendre passer au jalon supérieur si elle avait effectivement réussi à séduire Thomas, l’homosexuel. Naguère sulfureuse en son principe, la télé-réalité est désormais digérée et assimilée. Le scandale repose entièrement sur les épaules des candidats, acculés à plus de provocation pour exister. Pour renaître, la télé-réalité devra pousser encore plus loin les limites, afin de retrouver son caractère d’exception et susciter, de nouveau, la polémique et la honte, pourvoyeuses de tant de plaisirs.