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Dès ces premières
scènes, la crédibilité n'est donc pas
vraiment au rendez-vous. Le policier honnête et le terroriste
marxiste se rencontrant quelques années avant le début
de leur course-poursuite : quelle jolie coïncidence !
Si c'était la seule, elle passerait inaperçue,
mais elle est la première d'une longue série.
En effet, dans Dancer upstairs, le hasard fait très
bien (trop bien ?) les choses. Lorsqu'au cours de son enquête
Rejas entre en possession d'une cassette vidéo tournée
par les terroristes et montrant l'assassinat d'un prêtre,
il remarque assez vite qu'elle a été réalisée
dans son village natal.
De nouveau, la vie de Rejas rencontre celle du terroriste
Ezechiel. De nouveau, le policier voit son enquête pénétrer
sa sphère privée. Intrusion intime qui va se
poursuivre dans la suite du récit. Lassé par
l'artificialité exaspérante de sa femme, Rejas
tombe sous le charme de Yolanda (Laura Morante), la professeur
de danse de sa fille. Il se rapproche de la danseuse, lui
rend de plus en plus souvent visite, l'invite au restaurant
et finit par l'embrasser. Mais cette dernière n'est
pas aussi innocente qu'il n'y paraît. Elle fait partie
du complot révolutionnaire et abrite au deuxième
étage de sa maison le très recherché
Ezequiel.
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Qui peut croire à
ces deux destinées si imbriquées ? Chaque fois
que Rejas s'engage sur une piste, celle-ci le ramène
systématiquement à sa propre vie. John Malkovich
a sans doute voulu montrer par là que le chasseur et
sa proie sont unis par je ne sais quel lien mystique, que
leurs chemins se croisent pour que je ne sais quelle raison
métaphysique. Mais les ficelles sont trop grosses,
la conjonction de hasards trop improbable pour qu'une telle
démarche fonctionne.
Pourtant, pendant la première heure du film, la mayonnaise
semblait prendre. L'espace de quelques scènes, John
Malkovich avait réussi à mettre en place une
atmosphère intéressante. Tout d'abord en filmant
intelligemment la montée en présence des terroristes
: les cadavres de chiens accrochés aux réverbères
de la capitale, les affiches appelant à soutenir un
certain Ezequiel suscitent par exemple un malaise lancinant
chez le spectateur. Ensuite en décrivant élégamment
la pression toujours invisible mais de plus en plus sensible,
les jours passant, des rebelles sur la population : les feux
d'artifices de fin de soirée et les coupures de courant
de début de nuit démontrent la réalité
d'une révolution restant longtemps, et c'est là
sa spécificité, dans le domaine de la conjecture.
En effet, les premiers attentats ou assassinats, épisodes
d'ordinaire fondateurs d'une révolution, ne se produiront
pas immédiatement. Ils n'interviendront qu'après
cette période d'intimidation psychologique fort bien
mise en images par John Malkovich.
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Cependant, ces bonnes
intentions de départ sont très vite noyées
dans des compromissions commerciales malvenues. John Malkovich
pouvait parfaitement poursuivre dans une voie abstraite et
réaliser une étude originale sur le terrorisme,
mais il a préféré revenir au bout de
quelques minutes dans le giron plus balisé, mais moins
bandant, du thriller hollywoodien de base. Et c'est d'ailleurs,
comble de l'erreur stratégique, lorsqu'il insère
ces moments de suspense classique que se greffent les invraisemblances
décrites ci-dessus. Car au final, l'enquête policière
n'a aucun intérêt en elle-même. Savoir
si Rejas va parvenir à arrêter Ezequiel n'a qu'un
intérêt très limité, tellement
on se doute de la réponse. Seule la mise en forme distanciée
de la menace terroriste avait quelque chose de stimulant.
Dommage qu'elle soit aussi vite abandonnée au profit
d'effets plus consensuels.
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