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Les fans de science-fiction
risquent d’être déçu par cette adaptation
qui n’appartient pas au domaine du cinéma de science-fiction
au sens traditionnel du terme. En général, science-fiction
rime avec spectaculaire, technologie, gadgets, comme dans
le Minority Report de Spielberg. Ici, la science-fiction
ne sert que de toile de fond à la relation amoureuse.
L’intériorité, l’introspection et la psychologie
des personnages prime sur le spectaculaire, des sentiments
inédits qui créent un nouveau type de film de
SF contemporain rappelant les films de science-fiction des
années 40 et 50 où l’aspect idéologique
et thématique importait plus que les effets spéciaux.
Soderbergh fait subir une épuration au roman et ne
prend qu’un squelette de l’histoire originale, quelques thèmes
du roman, une toile de fond (la planète), une petite
partie de ce qui est évoqué dans le livre, autrement
dit l’histoire d’amour, pour la développer, l’approfondir,
en insérant notamment des scènes où l’on
voit évoluer la relation du couple sur Terre.
Soderbergh reprend le thème de l’histoire d’amour impossible,
le creuse en y insérant de nouvelles scènes
afin que le spectateur comprenne mieux la psychologie des
personnages.
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Là où
Soderbergh rejoint le roman et Tarkovski, c’est dans la torture
psychique auquel est confronté Chris.
Ce dernier est torturé entre l’envie de pouvoir aimer
à nouveau le clone de la femme qu’il a perdue (et de
saisir ainsi une occasion de rédemption face à
la culpabilité qu’il éprouve) et l’impossibilité
de vivre une relation avec une femme non humaine.
Ce dilemme est présent dans les trois œuvres à
des degrés différents : chez Lem, Kris
reste toujours conscient que Khari n’est pas humaine et le
sentiment de dégoût est très fort. De
même, chez Tarkovski, le sentiment de dégoût
et de peur est très présent. Par contre, chez
Soderbergh, le sentiment de dégoût disparaît.
Au départ, Chris est effrayé par la présence
de sa femme défunte dans la station quand elle apparaît
la première fois, mais peu à peu, il se persuade
qu’elle est humaine et qu’il peut réellement la ramener
sur Terre pour tout recommencer. La croyance est réelle,
tandis que le Kris russe est beaucoup plus distant face à
ses émotions. Nous sommes ici réellement dans
l’introspection, la proximité avec le personnage est
beaucoup plus grande. Ce Solaris américain met en scène
un récit entièrement tourné vers l’intériorité
du personnage. Rien de ce qui est extérieur ne pourra
avoir d’effets sur Kris.
Les distances avec
le spectateur, bien présentes chez Tarkovski, sont
ici abolies : nous plongeons ainsi au cœur du cauchemar
mental de Chris. Cet aspect est une des réussites du
film qui réussit à conserver le côté
métaphysique de l’histoire grâce à la
dimension psychologique et cérébrale de la relation
amoureuse.
Soderbergh s’autorise
aussi beaucoup plus de liberté par rapport au roman
que Tarkovski, notamment par rapport aux personnages. Il a
repris tous les personnages du roman de Lem, mais en modifiant
leurs caractéristiques physiques, leur psychologie
(et même leur nature mais c’est une des surprises du
film).
Comme pour le professeur Sartorius, un homme qui devient ici
le professeur Gordon une femme noire. Le cinéaste ne
voulait pas d’un film avec un point de vue essentiellement
masculin. Il abandonne le cliché qui veut que le scientifique
soit un homme et crée ce personnage qui, loin du personnage
original, incarne la voix de la raison sur la station.
Contrairement au professeur
Sartorius, Gordon, au départ, enfermée dans
son laboratoire, intervient beaucoup plus souvent dans le
film, ce qui insuffle un rythme plus soutenu et augmente l’efficacité
du récit.
Ce personnage possède donc beaucoup plus de force que
le Sartorius original. Gordon trouve le moyen de combattre
les effets psychologiques et émotionnels créés
par la planète, alors que Chris reste envoûté
par son apparition.
Se positionner sur l’histoire d’amour comporte une part de
risque, l’amour étant une thématique surexploitée
au cinéma. Mais ce qui sauve le film, c’est d’abord
l’environnement extraterrestre dans laquelle elle prend place,
puis toutes les autres thématiques, puisées
dans le roman de Stanislas Lem.
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