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Qui a tué Bambi ? (c) D.R;

Le lieu central du récit correspond à cette démarche. L'hôpital n'est pas vraiment - c'est le moins qu'on puisse dire - un endroit associé au bonheur. Dans l'imaginaire collectif, il symbolise plutôt un antre inquiétant dont on redoute de sortir plus malade qu'en entrant, quand on en sort. Pourtant lieu de vie avec les naissances qui s'y produisent et les existences que l'on y sauve, l'hôpital ne conserve que l'image d'un lieu de mort. Dans Qui a tué Bambi ?, Gilles Marchand joue sur ces peurs et sur les éléments concrets qui la génèrent. D'abord, le décor. Avec ce côté aseptisé, excessivement blanc et impersonnel qui le caractérise, le milieu hospitalier donne à ses visiteurs plus ou moins occasionnels la sensation d'une totale inhumanité. En multipliant les monochromes, Gilles Marchand a insisté sur cet aspect : certains murs - notamment ceux noirs ou rouges sang qui mènent aux ascenseurs - sentent la peinture fraîche, et même le matériel médical - des petites armoires sur roulettes dans lesquelles sont transportés les médicaments - adopte le temps d'une scène la couleur dominante du couloir, le noir en l'occurrence.

Ensuite, les bruits. Le sol synthétique crisse de manière inquiétante sous les pas des personnages, notamment de ceux qui vont voir leur existence écourtée. Les divers instruments médicaux bipbipent en permanence comme rappelant le précaire de l'état de santé des patients reliés à ces enregistreurs de vie. Et le long cri continu de ces mêmes appareils joue comme souvent au cinéma son rôle d'indicateur de mort fictive. Dans le même genre, et la même scène, la mise sous tension des électrochocs ont leur propre spectre sonore, sorte de bruissement électrique à la "Urgences" aux consonances particulièrement morbides. Mais, dans "Qui a tué Bambi ?", les bruit centraux, ceux qui servent de fil conducteur au récit, ce sont bien sûr ceux qu'entend l'héroïne au cœur de l'une de ses oreilles. Ces acouphènes traduisent en effet la fragilité de la petite infirmière face au chef de service, de la gentille Bambi face au chasseur de femmes.

  Qui a tué Bambi ? (c) D.R;

Le parasitage auditif apparaît dès les premières séquences, dès que débute, dans un ascenseur, la relation ambiguë entre Isabelle et le docteur Philipp. Elles revêtent une grande importance narrative, car ce sont elles qui poussent inexorablement la victime vers son bourreau. Le docteur Philipp joue de cette faiblesse pour déstabiliser la jeune femme. Lui faisant comprendre qu'il peut la guérir, que ce sera lui qui sans nul doute l'opérer. De la même manière, il exploite son inexpérience professionnelle. Sa méconnaissance lui permet de la harceler, de la mettre sous pression, et de lui faire comprendre quel monstre il est tout en l'empêchant de tenter quoi que ce soit contre lui. Quand son stratagème pour dérober de l'anesthésique nécessaire à ses viols est éventé, et que courageusement Isabelle désigne le docteur Philipp comme le responsable de cette subtilisation de produits, ce dernier écarte les soupçons d'un revers de manche. Il lui suffit de s'appuyer sur ses états de service pour annihiler tout doute sur sa personne, pour mettre de son camp des confrères sous le charme. Isabelle ne peut rien contre cette aura qu'il s'est créé au fil des années par ses qualités professionnelles et qui le rend littéralement intouchable.

C'est dans ce jeu pervers, malsain que se situent les plus belles séquences du film. C'est dans ces passages que le spectateur toujours plus ou moins sado-maso trouve son plaisir. En particulier, dans cette scène où le docteur Philipp propose un exercice divinatoire à une Isabelle à la fois fascinée et effrayée par tant de hardiesse psychopathique. Pour mieux déstabiliser Isabelle, le méchant docteur s'appuie sur les autres infirmières, les manipule habilement pour les placer de son côté de l'échiquier. Cela constitue pour lui une nouvelle étape dans son processus de possession psychologique. Possession qui s'exprime métaphoriquement dans les rêves de l'infirmière par un duel mental se déroulant dans une sombre clairière. Cette idée de mise en scène est des plus inspirées et aussi des plus joliment tournées, avec notamment un travail sur la photographie absolument remarquable.