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21 grammes (c) D.R.

Le procédé utilisé n’est pas nouveau. Elephant  (2003) de Gus Van Sant développait déjà de manière brillante cette écriture cinématographique. Dans le film d’Iñarritu, cette technique est poussée à son extrême, néanmoins sans que le résultat paraisse artificiel. Il n’y a absolument aucune suite chronologique dans le récit.

La question que tout amateur de cinéma se pose alors est : comment malgré cette non-narration le spectateur parvient-il tout de même à suivre l’histoire, à en comprendre les tenants et les aboutissants ? Tout simplement, je crois, parce que ce procédé relève de la manière dont la mémoire humaine fonctionne. Le réalisateur construit son film autour de souvenirs, d’images brèves et uniques plutôt que de véritables scènes de vie. Et ces images, qui appartiennent au passé des personnages, ne se présentent pas forcément à leur cerveau dans l’ordre dans lequel elles ont effectivement existé. Par conséquent, je pense qu’Iñarritu place son film dans une situation d’énonciation postérieure aux événements relatés. Leur traumatisme subi par les différentes catégories de personnages explique alors le choix fait par le réalisateur-monteur, choix qui reste par ailleurs fort original, de construire son film selon un principe de déconstruction du récit.

  21 grammes (c) D.R.

Pour ne pas perdre le spectateur, Iñarritu articule cependant ses séquences grâce à des raccords plus ou moins dissimulés. Ainsi, si un personnage prononce le mot « verre » en fin de phrase, la séquence suivante débutera par le geste d’un autre personnage prenant un verre en main et le portant à sa bouche. Tout n’est donc pas sans lien. Outre l’aspect technique de ce procédé, nous pouvons également penser qu’il y a là une sorte de message. Les faits, les gestes ne se répéteraient-ils pas ainsi indéfiniment ? La vie ne serait-elle pas un éternel recommencement ? Le propos est peut-être exagéré, mais rien ne nous empêche de croire que ces liens subtils d’un passage à un autre ne sont pas sans signification.

Le film est en effet construit sur une interrogation essentielle : pourquoi l’accident qui constitue le nœud dramatique du récit a-t-il eu lieu ? Et pourquoi à cet endroit, à ce moment précis, entraînant ainsi ces personnages-là ? Etait-ce prévu ? Un homme et ses deux petites filles meurent. Pourquoi ? Plusieurs solutions sont explorées par Iñarritu.

Simple (si tant est qu’on puisse employé ce mot) question de malchance ? L’épouse et la mère qui perd en quelques secondes la famille qu’elle avait fondée et construite jour après jour peut le penser. Cela explique qu’elle sombre alors dans la drogue, qu’elle n’ait plus goût à rien au point de chercher désespérément la mort dans la poudre blanche. La vie devient terne. Pâle. Les yeux rougis jusqu’à ce que le cœur se dessèche et n’offre plus les larmes qui soulageaient quelque peu.