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Une équation mathématique ? C’est
la thèse du professeur qui reçoit par transplantation le
cœur du mari défunt. On pourrait alors résumer la vie par
des chiffres et, qui sait, calculer les événements. Iñarritu
semble ne pas y croire. D’abord parce qu’il n’accorde que
peu de place à cette idée. Une simple discussion dans un
restaurant l’évoque en quelques mots.
Dieu ? C’est à n’en pas douter la solution sur laquelle
le réalisateur se penche le plus, au travers du personnage
magistralement interprété par Benicio del Toro. Voilà un
ex-taulard reconverti. Trop peut-être. Mettant du « Seigneur »
à toute les sauces. Iñarritu en profite pour dénoncer les
abus de la religion. Les discours inutiles tenus devant
des jeunes en difficultés pour les inciter à vivre selon
les commandements du Christ. L’éducation de ses propres
enfants en prenant au pied de la lettre les paroles de la
Bible. Dans une séquence particulièrement frappante, le
fils de l’ex-taulard frappe légèrement sa sœur. Querelle
fréquente à moindres conséquences dans les fratries. Le
père, malgré les protestations de son épouse, engage sa
fille à tendre l’autre bras, comme Jésus a enseigné. Le
garçon frappe alors sa sœur une deuxième fois. Puis le père
gifle son fils en disant « on ne frappe chez nous,
tu m’as compris ». Ce qu’Iñarritu dénonce n’est pas
la religion en tant que telle, mais bel et bien le fondamentalisme
chrétien qui, comme tout intégrisme, voudrait appliquer
tels quels les enseignements des Evangiles, sans comprendre
qu’il s’agit plus d’une philosophie de Vie que de commandements
pratiques.
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Si le réalisateur dénonce cette
vision impartiale et naïve, il ne s’interroge pas moins
sur la possibilité que Dieu, si tant est qu’il existe, soit
à l’origine de l’accident. Comment expliquer alors qu’il
n’ait pas détourné le trajet des trois personnes qui vont
mourir ? Il aurait juste fallu qu’ils s’arrêtent trente
secondes devant la vitrine d’un magasin pour que le danger
soit écarté. Pourquoi Dieu a-t-il laissé s’accomplir un
tel drame ? Iñarritu ne peut bien entendu pas donner de
réponses. Il n’écarte pour autant pas cette hypothèse, puisque
le film se termine sur une voix off se demandant si les
21 grammes que le corps perd au moment précis de sa mort
ne sont pas l’âme du défunt quittant son corps. C’est, à
mon sens, le propos essentiel de l’œuvre d’Iñarritu. C’est
pourquoi nous pouvons qualifier ce film de profondément
religieux.
Le metteur en scène explore également la question du deuil
et de la manière dont les personnages vont devoir reprendre
leur vie là où ils l’avaient laissée pour un instant. Sean
Penn interprète ce professeur de mathématiques qui reçoit
le corps de Michael, le père des deux filles tué dans l’accident
et le mari de Naomi Watts. Comme toute personne dont la
vie n’a tenu qu’à la mort d’un autre, il va rechercher la
famille de l’homme dont il a reçu l’organe vital. Et finit
par rencontrer son épouse. Que se passe-t-il ensuite ? C’est
le coup de foudre. Iñarritu place ici la plus belle métaphore
de tout le film. En recevant le cœur de Michael, le professeur
reçoit également l’amour qu’il portait à sa femme. Est-ce
un simple résultat psychologique ? Ou bien y a-t-il une
raison plus poétique à cela ? Le cœur, à la fois organe
vital et lieu abstrait où résident les sentiments.