John Frankenheimer met son expérience
et sa précision acquises à la télévision au service d’un scénario
effrayant et tragique signé George Axelrod. Frank Sinatra
livre une de ses meilleures performances d’acteur dans le
rôle du major Marco, Laurence Harvey est magistral dans le
rôle de Raymond Shaw, l’anti-héros pathétique de l’histoire
et Angela Lansbury, à mille lieues de son futur personnage
de la série Arabesque, personnifie ce qu’il faut bien
appeler « la mère de toutes les peurs ».
Sortie en 1962, cette première adaptation du roman de
Condon va trouver un écho tristement inattendu avec l’assassinat
l’année suivante du président John Fitzgerald Kennedy, ce
qui lui vaudra d’être retiré de la circulation pendant 25
ans. En 1991, Tina Sinatra, fille de Frank, et son père discutent
de l’idée de produire un remake du film mais c’est seulement
en 2004 que le producteur Scott Rudin, Tina Sinatra et le
réalisateur-producteur Jonathan Demme (Le Silence des agneaux)
s’associent pour plonger de nouveau les spectateurs dans les
ténèbres de l’esprit de Raymond Shaw.
LE CANDIDAT MANDCHOU
(2)
Le candidat mandchou c’est Raymond
Shaw, Raymond Prentiss Shaw. Héros de guerre, enfant chéri
de l’Amérique et de sa mère, Eleanor Prentiss Shaw (Meryl
Streep, imaginez la mère de Norman Bates en pire). Sénateur
depuis le décès de son époux, la dame de fer nourrit de
hauts desseins pour son politicien d’héritier, congressiste
apprécié.
N’est-il pas charismatique, charmeur et si consensuel avec
un programme ambigu teinté à la fois de New Deal post-moderne
et de sécuritarisme républicain. Il ne lui manque plus que
le visa de son parti pour être candidat à la vice-présidence,
ce qu’Eleanor lui obtient après d’âpres négociations de
dernières minutes. Oui, Raymond Prentiss Shaw est bien l’homme
providentiel dont les Etats-Unis d’Amérique ont besoin.
Si seulement il n’avait pas
ce sourire étrange lorsqu’on prononce distinctement son
nom complet au téléphone et si seulement son médecin, le
docteur Atticus Noyle (Simon McBurney) n’était pas un généticien
sud-africain recherché pour crimes de guerre. Mais à l’instar
des hommes qu’il avait sous ses ordres dans le Golfe Ben
Marco en convient : « Raymond Shaw est le type
le plus courageux, le type le plus généreux que j’ai connu
jusque-là. » D’ailleurs tout le monde en convient
à la virgule près.