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                      |  |  |  En résumé : s’arrêter à la provocation 
                    d’Ozon est réductrice, puisque ce serait nier la richesse 
                    émotionnelle que génèrent ses films qui peuvent être complexes, 
                    subtils, viscéraux, exquis… Inquiétants aussi, comme Scènes 
                    de lits, un court-métrage kaléidoscopique où l’on assiste 
                    à plusieurs scènes où des personnages, de tous âges, de tout 
                    sexe, sont au lit et font l’acte avec plaisir et joie tout 
                    en étant très loquaces Chose importante chez Ozon : faire 
                    l’amour n’a rien de scandaleuxLe cinéaste filme avec sensualité 
                    les corps nus et autopsie le désir cru en évitant la morale 
                    nébuleuse et les digressions bavardes et malsaines d’une Catherine 
                    Breillat dont la vision du sexe est stérile, torturée, violente 
                    et jamais réjouissante. Dans ce même court-métrage, on reste 
                    longtemps surpris par le premier sketch qui, raconté oralement, 
                    pourrait passer pour une blague potache mais qui, sur grand 
                    écran, est singulièrement angoissant : une prostituée emmène 
                    un mec dans une chambre d’hôtel et propose de lui faire une 
                    fellation. Pour un peu plus cher, elle lui chante La 
                    Marseillaise, mais à une seule condition : que cela se 
                    passe dans le noir. L’homme accepte, se laisse faire et la 
                    fille se met à chanter. Soudainement pris d’un doute, il allume 
                    la lampe qui se trouve sur le chevet et voit un oeil errant, 
                    posé là. Glauque ? Oui, et surtout malsain. Le cinéma d’Ozon 
                    n’est pas un cinéma accessible et facile : il aime déranger, 
                    provoquer. Mais pas dans le vide : il déroute, nous remet 
                    en question et donne lieu à de fulgurants moments de cinéma.
 Pour poursuivre dans la lignée de ces courts-métrages, citons 
                    aussi Une robe en été, 
                    une fiction singulière et d’une grande beauté qui suscite 
                    les mêmes sensations que La petite mort. La première image du film 
                    est un gros plan sur le maillot de bain noir, moulant, d’un 
                    jeune homme en train de faire bronzette sur un transat. Quiétude 
                    interrompue par l’arrivée de son amant (Sébastien Charles, 
                    chorégraphe pour Huit Femmes) qui se met à danser sur le 
                    Bang-Bang de Sheila. Les paroles de la 
                    chanson, aussi risibles soient-elles, résument pourtant parfaitement 
                    la trame de l’histoire. Ayant marre des « délires de folle 
                    » de son ami, le jeune homme part se baigner nu dans la mer. 
                    En séchant sur la plage déserte, il rencontre une jeune beauté 
                    (Lucia Sanchez, actrice délicieuse qui s’est spécialisée essentiellement 
                    dans les courts et que l’on retrouve plus tard dans le rôle 
                    de la bonne dans Sitcom), 
                    qui lui propose d’aller prendre du bon temps dans la forêt. 
                    Il accepte mais lorsqu’il revient, il ne retrouve plus ses 
                    vêtements. La miss lui prête alors une robe. De retour chez 
                    lui, il fait l’amour avec son amant…qui lui arrache sa robe. 
                    Plus tard, il rapporte la robe recousue à la jolie fille et 
                    l’embrasse sur la bouche… Sensuel, grotesque et touchant, 
                    ce court-métrage autopsie l’ambiguïté sexuelle d’un ado qui 
                    ne sait plus très bien où vont ses amours. Une robe en été réunissait alors tous les 
                    thèmes de prédilection du cinéaste : l’homosexualité, bien 
                    sûr, mais aussi un goût définitivement prononcé pour les atmosphères 
                    étranges.
 
 
 
                     
                      |  |  |   
                      |  |  |  On retrouve la même chose au féminin et 
                    avec une bonne dose d’angoisse supplémentaire dans l’excellent 
                    Regarde la mer, avec 
                    une Sasha Hails qui jouait avec son bébé, ignorait tout du 
                    script et ne découvrait les scènes à tourner qu’au fur à mesure. 
                    Cet authentique film d’horreur dans lequel une routarde vient 
                    chercher des noises à une jeune femme vivant seule avec son 
                    enfant provoque de beaux grincements de dents, d’autant qu’on 
                    ne se remet jamais vraiment du dénouement terrible... Dans 
                    le rôle de la routarde mystérieuse, on retrouve Marina De 
                    Van, l’acolyte de François Ozon.
 Leur rencontre s’est produite à la FEMIS. Lui venait d’en 
                    sortir, elle d’y entrer. Ils se sont croisés lorsque ce dernier 
                    est venu voir les films de seconde année. Marina de Van y 
                    présentait Bien sous tous rapports, qu’elle réalise et interprète. Ozon lui propose 
                    alors un rôle dans Regarde la mer. « A partir 
                    de Regarde la mer, 
                    une complicité s’est développée. Par la suite, on a souvent 
                    travaillé ensemble de façon différente. Il y a eu les rôles, 
                    les personnages que j’ai incarné, puis le travail sur les 
                    scénarii », raconte Marina de Van, avant d’ajouter : « C’est un cinéaste que j’aime vraiment, que j’estime et avec lequel 
                    j’aime beaucoup travailler ». Si on regarde bien la filmographie 
                    de François Ozon, Marina a participé à pratiquement tous ses 
                    longs-métrages à l’exception de Gouttes 
                    d’eau sur pierres brûlantes et de Swimming 
                    Pool. Dans Sitcom, elle jouait une fille de bonne famille en proie à des tendances 
                    suicidaires et qui ne cesse de repousser son petit copain 
                    ; dans Les Amants Criminels, elle ne joue pas 
                    mais a composé quelques poèmes lus par Alice (Natacha Régnier) 
                    dans le film ; elle a enfin co-écrit les scénarii de 
                    Sous le sable et de Huit 
                    Femmes. Autant dire qu’elle appartient à son univers et 
                    que ces deux-là dynamitent le cinéma hexagonal à bon coup 
                    de provocations bien pensées.
 
 
 
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