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Il serait d’ailleurs intéressant de savoir
ce que pense François Ozon du premier long métrage de Marina
de Van, Dans ma peau, dans lequel la demoiselle
se met en scène et raconte la descente aux enfers d’un personnage
entretenant une relation exclusive et amoureuse avec son corps
qu’elle aime triturer, abîmer pour mieux lui montrer qu’elle
l’aime. Dans ma peau est un film personnel avant tout, d’autant plus réussi
qu’il échappe à toute comparaison, même si on peut supposer
qu’elle y a glissé quelques allusions au cinéma d’Ozon (lorsqu’elle
embrasse sans arrêt son compagnon, on pense à la manière identique
dont son personnage embrassait celui de Stéphane Rideau dans
Sitcom). Leurs univers sont différents mais se complètent.
Pour revenir à Regarde
la mer, d’aucuns considèrent ce moyen-métrage comme le
meilleur film du cinéaste. Mais peut-on réellement en distinguer
un du lot, tant ils sont dissemblables ? Avec le recul,
Regarde la mer apparaît
surtout comme une superbe transition permettant au cinéaste
de passer au long-métrage. A l’époque, ses films dépassent
rarement 60 minutes. Au moment de l’écriture, il avait même
pensé fragmenter son récit en chapitres comme pour se rassurer
et donner l’impression de plusieurs saynètes qui se suivent
les unes aux autres. Mais il abandonne l’idée. Son premier
long-métrage sera Sitcom,
une transposition étrange du Théorème
de Pasolini. Dans Théorème,
Pasolini faisait entrer Dieu dans une famille pour mieux renforcer
la parabole sur le pourrissement de la bourgeoisie. Dans Sitcom,
Ozon prend un rat comme élément perturbateur : lorsqu’un personnage
touche le rat, sa vraie personnalité prend soudain le dessus
et révèle tous ses désirs secrets : le fils devient gay ;
la fille, suicidaire; la mère, incestueuse; la bonne déprime
à cause d’Abu, son petit ami qui lui aussi s’affirme homo;
et le père fait mine de garder la tête froide en s’enfermant
dans son égoïsme tout en multipliant les maximes qui ne veulent
plus rien dire.
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Au-delà de la simple parodie de sitcom,
on peut remarquer les répliques cinglantes et assassines qui
viennent bouleverser ce monde trop paisible et auxquelles
les acteurs, tous excellents, donnent une résonance parfaite.
Le personnage de Sophie, l’un des plus réussis du film, en
est la preuve la plus probante : lorsqu’elle se retrouve avec
sa mère à la fin d’un repas, elle lui fait une crise de jalousie
en hurlant que «son père est un pédé». La mère répond en tentant de conserver son
calme : «Tu sais bien
que c’est un mensonge, ton père n’est pas un homosexuel !
Tu en es la preuve vivante !», et à elle de répliquer
: « C’est pas parce
qu’il t’a touchée deux fois cinq minutes dans ta vie !».
Ou, encore mieux, cette scène où le petit ami de ladite Sophie
se fait surprendre en pleine séance de masturbation espagnole.
La jeune fille sort alors son appareil photo pour montrer
à sa mère à quoi ressemble « ce si joli massage» que
la bonne faisait à son copain dans la salle de bains. Quelques
plans plus tard, ce dernier viendra s’excuser avec un bouquet
de fleurs. Mais Sophie ne lui pardonne pas. Elle enfile ses
lunettes noires et clame des phrases pontifiantes du genre
«Tu te rends compte
du mal que tu m’as fait, David ?». Le venin est dans la
bouche et on casse les assiettes, Sitcom
est un film qui fait mal.
Ce jeu de massacre est, par ailleurs, ponctué de séquences
délicieusement surréalistes, la plus hilarante étant probablement
celle du « joyeux anniversaire » où le père trucide toute
la famille. Mais n’oublions pas qu’ici, le dessein principal
d’Ozon est de transgresser les tabous : l’homosexualité (Abu
et le fils); la pédophilie («c’est le petit voisin!»); le
meurtre (oedipien à la fin); l’inceste (la mère qui couche
avec le fils, et la sœur qui aimerait s’essayer le père qui,
malheureusement pour elle, ne la trouve pas jolie du tout).
Alors, tout ça à cause d’un rat ? Peut-être. D’autant qu’à
la fin, le rat, clin d’œil implicite mais indéniable au cinéma
de John Waters, n’est pas forcément celui qu’on croit ! Autant
le dire : même si le cinéaste pousse parfois le bouchon un
peu trop loin, il signait là un premier essai concluant, en
parfaite continuité avec l’ambiance déjantée de ses courts.
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