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Second film, l’atmosphère se fait soudainement
plus pesante. En effet, un an plus tard, Ozon revient avec
Les Amants Criminels,
un film d’horreur psychanalytique qui mêle le fait divers
aux contes de fées. Alice et Luc assassinent Saïd, un camarade
de classe. Effet Rashomon : on assiste à l’histoire sous différents points de vue : est-ce
Alice qui a forcé Luc à tuer Said ? L’a-t-elle provoqué ?
Ou est-ce lui qui sciemment a eu envie de le poignarder ?
En fuite, ils enterrent le corps dans la forêt et rencontrent
un ogre des bois (version Hansel
et Gretel) qui punira les deux ados… Ozon autopsiait ici
la crise identitaire de deux adolescents avec son cortège
d’ambiguïtés (morales, sexuelles…) et de sentiments refoulés
(l’homosexualité de Luc). Il en résultait un film profondément
troublant et pourtant fascinant, dans lequel Ozon allait jusqu’au
bout de son sujet en assumant tout avec une franchise honorable.
C’est par ailleurs son film le plus provocateur et le plus
audacieux.
Mais les audaces ne s’arrêtent pas là. Un an plus tard, re-belote
: Ozon sort Gouttes
d’eau sur pierres brûlantes, une adaptation ciné d’une
pièce inédite de Rainer Werner Fassbinder, que ce dernier
avait écrit à l’âge de 19 ans, âge de Franz, le jeune protagoniste
de l’histoire.
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Ce film, hommage au cinéma du réalisateur
de Querelle, est un huis clos qui sonde les rapports S.M. entre des personnages
tous dominés par Léopold, un homme à la fois charmeur, tyrannique
et cruel (Bernard Giraudeau, dans son rôle le plus dur). Le
film est empreint d’un profond pessimisme, et un dernier plan
particulièrement morne suggère la soumission éternelle des
personnages. Tous les protagonistes de cette histoire n’ont
jamais vraiment été heureux en amour. Le cas le plus pathétique
est certainement celui du personnage d’Anna Thomson, telle
une « Sue perdue en Allemagne », qui a changé de
sexe par amour (« elle s’est faite coupée la bite à Casablanca»), ne trouve
aucun réconfort auprès de celui qu’elle aime et assiste, désarmée,
à la mort d’un jeune homme qui, lui, s’est suicidé dans l’indifférence
générale. On serait presque au bord de la déprime, mais le
pathos est astucieusement évité par des dialogues régulièrement
caustiques, et surtout une séquence de danse hallucinante
et drôle sur un single disco allemand très kitsch (Tanzen
zusammen mit mir).
Sous le sable, le quatrième long du cinéaste qui traite du deuil de
la façon la plus elliptique qui soit (tout est suggéré), sera
le film de la consécration. Il marque également le retour
de l’excellente Charlotte Rampling au cinéma, qui interprète
ici l’un de ses plus beaux rôles, celui d’une femme qui n’accepte
pas la mort de son mari (Bruno Crémer) et s’imagine qu’il
est toujours vivant. Mais attention, Sous le sable, bien que triste, n’est pas
non plus une invitation à la mélancolie et se révèle parfois
même cocasse comme, par exemple, lors de cette scène d’amour
où le personnage de Charlotte est pris de fou rire lorsqu’elle
constate que son nouvel amant (Jacques Nolot) est plus léger
que son mari. Sous le sable a rassuré les journalistes, qui ont vu un peu trop tard
que sous la provocation, Ozon était capable de raconter des
histoires subtilement émouvantes. Pour beaucoup, le film a
été vu comme l’œuvre de la maturité, alors que le cinéaste
nous avait déjà prouvé avec bon nombre de ses courts-métrages
qu’il savait nous toucher au plus profond.
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