Xavier Kawa-Topor, directeur artistique
pour les Contes de l’Horloge magique et l’un des initiateurs
de cette réédition, souligne la “ technique absolument
extraordinaire ” de Staréwitch : “ Il est
en mesure de donner vie à toutes ses images mentales. C’est
un animateur toujours indépassé dans son mode d’expression et
l’ingéniosité de ses trucages est telle que personne ne pourrait
les reproduire aujourd’hui ”, affirme-t-il. Il cite l’admiration
d’animateurs et de cinéastes de renom, tels Peter Lord, Terry
Gilliam ou Tim Burton, qui “ a demandé à ses animateurs
de regarder les films de Staréwitch pour les personnages et
l’animation de l’Etrange Noël de M. Jack. ”
De Moscou à Fontenay-sous-bois
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Dès ses débuts, Staréwitch était reconnu
comme l’un des meilleurs cinéastes de son époque, alors
que le cinéma en était encore à ses balbutiements. Né à
Moscou en 1882 de parents polonais, il a grandi en Lituanie,
où il préférait clairement aller à la chasse aux papillons
que sur les bancs de l’école. Extrêmement curieux et débrouillard,
il se prend de passion pour l’entomologie et les arts plastiques :
il dessine, peint, fait de la photographie, et en vient
tout naturellement à la caméra, mais par un détour presque
scientifique. En 1910, alors employé au Musée ethnographique
de Kovno pour documenter avec sa caméra la vie de la région,
il tente de filmer une bataille de scarabées. Mais les insectes
se figeant de peur dès que la caméra est braquée sur eux,
Staréwitch décide d’utiliser des scarabées morts qu’il positionne
devant la caméra grâce à des fils de fer. C’est ainsi qu’il
réalise son premier film d’animation, en reconstruisant
le mouvement des scarabées image par image. Ce petit film
sera bientôt suivi d’une fiction sur le même thème, La
Belle Lucanide, où il donne une allure plus humaine
à ses héros insectes. (Notons aussi que la scène que Staréwitch
essayait de tourner en 1910 a finalement été réalisée quelque
85 ans plus tard dans le superbe Microcosmos, mais
sans trucage cette fois ! )
Staréwitch trouve rapidement un producteur et s’installe
à Moscou, où il tourne une dizaine de films avec acteurs
et quelques animations adaptées d’œuvres de Gogol ou Pouchkine.
Mais la guerre civile, puis la Révolution de 1917 l’arrachent
à une carrière qui semblait prometteuse (La Cigale et
la Fourmi, réalisé en 1911, est le premier film à entrer
dans la collection du tsar Nicolas II, NDLR). Contraint
à l’exil, il s’installe à Joinville-le-pont, puis à Fontenay-sous-bois,
où il habitera jusqu’à sa mort en 1965.