Get on the Bus
retrace l’interminable voyage en bus de plusieurs blacks de
Los Angeles vers Washington, où l’extrémiste Louis Farrakan
organisa une marche d’un million d’hommes noirs. Pour un pays
qui peine alors à briser les barrières raciales, Lee est allé
trop loin. Montré du doigt, taxé de racisme, il se dit incompris.
Quatre ans plus tôt, en 1992, Malcom X, biographie
très réussie du leader afro-américain, avait déjà défrayé
la chronique. Très dures, les critiques s’attardèrent plus
sur l’existence tumultueuse du personnage principal que sur
la qualité du film (un des préférés, dit-on, de Martin Scorsese…).
La petite histoire, beaucoup la connaissent : pour financer
son film, Lee fédéra la communauté noire autour de son projet.
Des grandes stars afro américaines, par ailleurs amis du réalisateur
(Bill Cosby, Michael Jordan, Janet Jackson, Magic Johnson…),
appuyèrent la production à coup de millions de dollars et,
à sa sortie en salles, Lee appela ses jeunes « frères »
à sécher les cours pour assister à la première séance. La
prestation éblouissante de Denzel Washington dans le rôle
de Malcolm et une mise en scène impeccable transformèrent
la démonstration de militantisme annoncée en chef-d’œuvre.
Mais ce n’est pas du goût de tous. Face à l’ingratitude des
critiques, Lee déprime. Furieux de ne pas décrocher la si
convoitée palme d’Or à Cannes, il boycottera le Festival.
Avec Jungle Fever, le réalisateur s’était auparavant
essayé à la comédie de mœurs (cinq ans plus tard, il proposera
aux spectateurs de Girl 6, une franche séance de rigolade),
relatant à cette occasion les péripéties d‘un homme d’affaire
noir commettant le crime de lèse-majesté (!) de tromper sa
femme (elle aussi noire) avec une blanche. Comme dans la plupart
de ses premiers films (ses apparitions se feront par la suite
plus épisodiques), le réalisateur, déjà à son avantage dans
le rôle principal du livreur de pizza de Do the Right
Thing, interprète un rôle : en l’occurrence, celui
du frère du mari infidèle. Loin d’être ridicule face à la
caméra, Lee n’a pourtant jamais caché qu’il préférait se trouver
derrière. « C’est là que se trouve le pouvoir »
glisse-t-il dans certaines interviews…
ARTISTE ECLECTIQUE
Mo’Better Blues, comédie musicale
emmenée par Denzel Washington, est un véritable bonheur pour
les amateurs de jazz. Son auteur prouve ainsi qu’il n’a pas
perdu l’héritage paternel. De Miles Davis (Mo’ Better Blues)
au Who (Summer of Sam), en passant par Prince (Girl
6) ou le groupe de rap Public Enemy (He got game),
Lee attachera tout au long de sa carrière énormément d’importance
à ses bandes originales. Bien aidé par les rapports privilégiés
qu’il entretient avec les artistes, il est même allé plus
loin. Prince, Michael Jackson, Miles Davis, Stevie Wonder,
pour ne citer qu’eux, lui ont confié la réalisation de leurs
clips. « Réaliser un film, un clip, une publicité,
c’est toujours raconter une histoire », dit celui
qui est également auteur de plusieurs spots publicitaires
(Nike, Levi’s, notamment).