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(c) D.R.
Objectif Cinéma : Est-ce que l’Institut Lumière tend à devenir une cinémathèque, l’est-elle déjà ?

Thierry Frémaux : Elle l’est déjà. Nous avons ici des collections films et non-films (affiches, livres, centre de documentation) et l’on a une très riche collection d’appareils dont une petite partie quantitative est exposée dans le musée. Cela dit les choses ont complètement changé aujourd’hui. La notion de cinémathèque n’est plus la même concernant la programmation. Avec les chaînes câblées, les DVD, l’idée qu’il n’y a que quelques endroits dans le monde où l’on peut voir certains « vieux films » n’existe plus ! On peut les voir aujourd’hui de plein de manières différentes. Le numérique arrive, et à un moment, on se posera la question (et je vais très loin en disant cela…) de savoir s’il faut continuer à conserver des copies de films usées et abîmées alors que les gens les voient en DVD chez eux ! Aux jeunes générations de cinéphiles qui viennent ici, je suis désolé de leur présenter une copie un peu abîmée en 35 mm, quand ils me répondent qu’ils ont chez eux un home cinéma ! On devient cinéphile vers l’âge de 15, 16, ou 18 ans. Aujourd’hui, la première légitimité de l’image, ce n’est plus la salle de cinéma, mais le DVD, le jeu vidéo, la télévision. Je crois beaucoup en la salle de cinéma, mais ce n’est pas un lieu naturel de découverte du cinéma pour les tout jeunes cinéphiles d’aujourd’hui. Il faut leur réapprendre. C’est pour cela que 30 000 enfants viennent ici chaque année, que nous multiplions les séances pour leur montrer des films sur grand écran. Ils éprouvent alors ce qu’ont éprouvé les gens en 1895. Comme les spectateurs de l’époque, ceux d’aujourd’hui ont besoin de la salle de cinéma ! Et s’il ne reste à long terme qu’une salle de cinéma à Lyon, ce sera celle-là, la salle de la rue du premier film.


Objectif Cinéma : Vous aimez souvent rappeler l’idée que la cinéphilie est une question d’appartenance à une époque, à une génération. Comment faire pour que les nouvelles générations de cinéphiles fassent leur, la salle de cinéma ?

Thierry Frémaux : J’ai en effet le sentiment très fort de ma génération.  Quand je suis arrivé à l’Institut Lumière, j’avais 20-22 ans, j’ai rencontré Bernard Chardère, Raymond Chirat, Bertrand Tavernier qui avaient un rapport au monde différent du mien. J’étais déjà très cinéphile, mais je ne pouvais les imiter : ils avaient bien évidemment vu davantage de films que moi, il était difficile de les « rattraper ». De plus, les bagarres des années 50 entre « Positif » et « les Cahiers du Cinéma », ne m’intéressaient pas. Il fallait inventer d’autres choses. C’est ce que l’Institut Lumière m’a permis de faire. Plutôt un rapport joyeux à l’histoire du cinéma, pas un rapport complexe. Par nature, j’aime Claude Sautet et Jean-Marie Straub, Bertrand Tavernier et Jean-Luc Godard, même si je n’aime pas tous leurs films. Je n’ai jamais compris pourquoi il fallait être d’une famille contre une autre. Je trouve ça grotesque. Mais cela ne l’était pas à l’ époque de Jean Douchet, de François Truffaut ou de Bernard Chardère.