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Un Printemps à la Source s’offre comme le double portrait d’un lieu, une épicerie de banlieue, seul commerce encore ouvert dans une cité montrée comme quasi abandonnée, et d’une communauté humaine gravitant autour de la figure charismatique d’Ali son gérant. Avec un grand sens du pittoresque, le film se concentre sur quelques clients emblématiques et en fait de véritables personnages, dont les apparitions opèrent dans une approche chorale du réel. Adoptant la forme d’une chronique, Un Printemps à la Source se déroule au fil des visites des " habitués " du magasin, dans la plus grande attention possible à leur parole et parfois, leurs souffrances. La documentariste travaille dans le sens des auto-mises en scènes des clients et d’Ali : elle prend acte de l’image qu’ils veulent renvoyer d’eux-mêmes, la légitime par un dispositif entièrement fondé sur l’attente et l’écoute ; le film et son dispositif construisent une relation fondée sur l’échange- sur une idée du commerce dépourvu de l’ambiguïté monétaire.

Devant ce film, les questions s’orientèrent évidemment vers le devenir d’une situation donnée comme instable :  " que sont devenus un tel et un tel, ce jeune homme lisant Herman Hesse, le film fut-il projeté dans la cité même… ? " C’est d’Ali et les clients de l’épicerie dont le public prit des nouvelles, le film étant parvenu à créer comme un lien entre spectateur et " personnages ".

L’idée d’échange, ce geste d’offrir (un temps de parole, une image, une émotion) reviendront fréquemment dans le cours de la discussion. La méthode de préparation de Chantal Briet fut ainsi de devenir à son tour un " pilier " de l’épicerie, rendant service quotidiennement à Ali, sans nécessairement filmer : de s’intégrer à ce petit monde en s’offrant soi-même comme personnage, celui de la " filmeuse ". " Ce film est un cadeau ", et les paroles qui le composent s’offrent comme telles également pour le spectateur. Dans une séquence remarquable et remarquée, un jeune homme qui se donne comme " perdu ", lit à haute voix, puis traduit directement, un extrait tiré d’un livre de Herman Hesse, traitant de la solitude. Ce cadeau qu’il fit à la réalisatrice, sans que la séquence ait été prévue, fut reçu par le public comme le geste désintéressé, et beau, de se livrer à autrui et de reconnaître par là sa capacité à recevoir.

En exposant sa méthode de travail, Chantal Briet mit au jour la complexité que représenta le tournage, difficile à imaginer au vu de la fluidité du film. Résultat de choix délibéré et assumé, comme de laisser dans l’esquisse le statut de l’épicerie comme " territoire " des jeunes de la cité, un Printemps à la Source se révéla comme le résultat d’une aventure humaine. Dès lors, plus que de parallèles entre monde rural et banlieue, c’est de résistance dont il fut surtout question dans les questions posées. Ali résiste, coûte que coûte, au détriment de sa vie privée, conscient du rôle qu’il joue dans l’équilibre d’une communauté incertaine ; et dans l’économie minimale dans laquelle le film fut réalisé, cette posture volontaire eut un effet moteur : " je résistais, mais il résistait aussi, donc j’ai continué " affirma la réalisatrice.

Au cours du débat, les lussassois qui formaient la dernière rangée la plus éloignée de l’écran replient leurs chaises de camping et partent dignement dans la plus grande discrétion. Je ne l’aurais pas remarqué si je ne m’étais trouvé près d’eux : signe d’une conscience des " convenances ", plutôt qu’un désintérêt… Peu après, la maîtresse de maison invite ses hôtes d’un soir à rentrer. La conversation roule encore, éparpillée en cercles, autour de ce jeune homme si triste et si beau qui traduisit Herman Hesse : " un personnage de roman, lucide et désespéré ". Dans la chaleur d’un vaste salon, le souvenir de cette image empreint furtivement le cercle fait autour de la réalisatrice. Et puis le buffet est levé, des invités arrivent encore, et le sentiment poignant que provoque la certitude d’une rencontre, offerte par le film, s’estompe ou se dissout en soi, indicible.


--- 23h30 ---

Les dernières chaises sont remisées, le petit groupe de l’équipe organisatrice des Etats Généraux est raccompagné par leurs hôtes d’un soir jusqu’à la porte, avec la promesse de Chantal Briet faite à Marie-Laure de venir prendre le café le lendemain : le grand nombre d’invités a comme empêché quelque chose de naître avec les accueillants, qui s’épanouira mieux dans une plus grande intimité. Le froid est tombé, le matériel déjà démonté et rangé. Gales Montcomble et Serge Vincent nous ramènent, Chantal Briet et moi, à Lussas. Et le temps du trajet revient le sentiment chaleureux d’avoir partagé quelques émotions, fragiles et franches, avec d’autres. Il nous accompagnera jusqu’au village.





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