Mais bien loin de plagier
ces deux singuliers auteurs, De Palma s’approprie certains
de leur thèmes, qu’il adapte à sa sauce. Il
les entremêle donc de voyeurisme et de manipulation.
Mais Femme fatale est un film de De Palma pour bien
d’autres raisons. Plans séquences insensés,
split-screens virtuoses et autres prouesses techniques sont
autant de composantes de la grammaire depalmienne. Le lyrisme
au bord du ridicule et ce brin de mauvais goût qui fait
que ses films vieilliraient mal s’ils n’acquéraient
le charme du kitsch sont tout aussi familiers aux habitués
du cinéaste.
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Pas mal de déjà-vu,
donc. Et pourtant quelque chose a changé chez Brian
De Palma. Un parfum résolument insolite flotte autour
de son film qui, plus qu’il ne se déroule, s’étire
de manière exemplairement fluide (avec l’évidence
du simili-Bolero-de-Ravel de Riyuchi Sakamoto, qui accompagne
la spectaculaire séquence d’ouverture), mais bizarre.
Femme fatale est un De Palma paranormal - dans plusieurs
sens, mais n’en disons pas trop. Toujours est-il que, plus
proche du film d’atmosphère que du thriller efficace,
le film est à l’évidence moins " américain "
que ses précédents. Plus " européen ",
peut-être. Mais De Palma n’est pas Polanski. A trop
sophistiquer la mise en scène d’un scénario
imparfait, il en oublie parfois de faire fonctionner son film.
Tandis que celui-ci flotte, les personnages passent, et rien
ne prend chair – surtout pas l’émotion. Il pourra toujours
rétorquer, vu le retournement final, que c’est normal,
voulu et cohérent. N’empêche. Le spectateur qui
n’accepte pas de se perdre sans mesure dans son tourbillon
de faux-semblants, plus lancinant que d’ordinaire, est bon
pour l’ennui. Le sexe et l’humour ne font rien à l’affaire.
La distribution internationale
est quant à elle assez inégale. Malgré
de bons éléments (Edouard Montoute et Thierry
Frémont chez les Français, Peter Coyote – remarquable
– chez les Américains), elle a du mal à fonctionner,
à créer une alchimie. En fait, les acteurs semblent
avoir été un peu oubliés. Même
Banderas, pourtant excellent, donne l’impression d’avoir fait
une vague apparition. La seule à être là,
bien là, c’est Rebecca Romijn-Stamos. C’est elle qui
incarne la femme fatale de cette relecture moderne du film
noir, qui rappelle que l’âge d’or hollywoodien (ah !
que les années 40 avaient plus de classe…) est définitivement
révolu. Une femme fatale ? Une garce, oui !
Une " salooope ", comme dirait le méchant
Eriq Ebouaney – qui devrait tout de même surveiller
son langage : à force de virulents " putain ",
il énerve et ne convainc pas en vilain de service.
Et comment elle est, Rebecca, en femme fatale ? Ben…
elle est bonne, quoi ! serait-on tenté de dire
si le mot n’avait pas une connotation misogyne.
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D’ailleurs le film
relance allègrement le débat : De Palma
est-il misogyne ? On le sait bien : il a choisi
son actrice uniquement parce qu’elle est " drop
dead gorgeous " - c’est lui-même qui le
dit… Mais vénérer le corps des femmes est-il
si mal ? Cela équivaut-il vraiment à déprécier
LA femme, à ne la considérer que comme un objet ?
Sans oublier que dans ses films, les femmes sont toujours
soit des nunuches, soit des salopes… Bon. Probablement des
relents machistes de son côté latin : d’origine
italienne, De Palma semble aimer filmer les hispanos virils,
du Montana de Scarface au Carlito de L’Impasse
(à noter qu’ils sont tous les deux joués par
un italo, Al Pacino…) - de même que, comme son
ami Coppola, il manifeste un goût prononcé pour
la tragédie flamboyante, type opéra italien.
Mais une chose est sûre : il aime les femmes, et
il les filme comme personne. Alors où va-t-il chercher
ses personnages féminins ? " In my
dreams… ", pourrait, à l’instar de la
femme fatale de son dernier film, répondre De Palma.
Sacré Brian !
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Titre : Femme fatale
Réalisateur :
Brian De Palma
Scénario : Brian
De Palma
Directeur de la photographie
: Thierry Arbogast
Acteurs : Rebecca Romijn-Stamos,
Antonio Banderas, Peter Coyote, Eriq Ebouaney,
Edouard Montoute, Rie Rasmussen, Thierry Frémont,
Gregg Henry, Bart De Palma
Chef décoratrice
: Anne Pritchard
Chef monteur : Bill
Pankow
Ingénieur du son :
Jean-Paul Mugel
Scripte : Aruna Villiers
Cadreur : Berto
Directeur artistique
: Denis Renault
Collaborateur artistique
: Bart De Palma
Chorégraphe bar
: Mia Frye
Musique : Ryuichi Sakomoto
Coordinateur effets spéciaux
: Philippe Hublin
Production : Quinta
communications.
Producteurs : Tarek
Ben Ammar et Marina Gefter
Producteur exécutif
: Mark Lombardo
Producteur associé
: Chris Soldo
Directrice de production
: Ginette Mejinsky
Format : 1. 85, Dolby
SRD
Distribution : ARP Sélection
Sortie France : le 30
avril
Durée : 1h55
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