En arrivant à Cannes, on commence
par aller voir la mer. Cest banal, bête ou touristo-beauf
au choix -, mais avant de se rincer lil
avec quatre à cinq films par jour, ça ne fait
pas de mal de se laver le regard. Et puis, durant les dix
jours du Festival, alors que les images saccumulent
sur la rétine, toujours nouvelles, toujours différentes,
celle de la mer constitue la petite trace de réalité
dont il vaut mieux ne pas se départir pour continuer
daimer à la fois le cinéma et la vie.
Après quelques années
de cinéphilie galopante, les images de mer, qui plus
est, font forcément partie de votre cinémathèque
perso, quelles viennent dAngelopoulos, de Fellini,
de 20 mille lieues sous les mers ou de Titanic.
Lun des bonheurs de Cannes, cest justement de
régénérer le fond de votre imaginaire
et de lui ajouter quelques pièces inoubliables dont
le souvenir déclenchera chez vous une douce émotion
au parfum de madeleine.
On venait à peine dabandonner cette philosophie
à la petite semaine face à la Méditerranée,
quAlmodovar, dans La Mauvaise Education, nous
y a replongés vite fait : son générique
en puzzle est un modèle du genre, qui distille des
traces, des allusions, des illusions, toutes ce quil
a gardé dans sa mémoire, du cinéma quil
adore et de celui quil a réalisé. Et nous
dans tout ça, quest-ce quon va conserver
après le 23 mai dans notre panthéon iconographiques
? Sans doute ce plan où la tête du héros
qui meurt tombe sur sa vieille machine à écrire
et tape sur plusieurs touches qui semmêlent, parce
que les histoires ne sont jamais simples, ni au cinéma,
ni même dans la vie.