Le
cinoche. Ça vous démolit. Sans blague. " J.D Salinger
De toute façon, on ne ferait pas
de film. C’est trop tard, on a passé l’époque !
Y a plus que le fric qui intéresse nos boss maintenant
et y a rien à dire, ils en font des intérêts
aussi ! " Out " Shakespeare et Citizen
Kane ou alors en conserve façon Hollywood ou France-Berri
dans ce qu’il fait de pire ! Un service rapide et bénéficiaire
dès la première semaine d’exploitation. Plus besoin
d’expliquer pour quelle sacrée raison Hamlet souffre,
non, ou pourquoi Ophélie aime. Le plus important, c’est
de vous faire sortir de chez vous et de vous faire consommer,
quitte même à consommer de la merde, on vous dit
que c’est la mode aussi surtout, voilà ! De quoi
trembler ! Quand je vois qu’on prépare à
mettre devant les gens le reeemmakkke d’un film de Tarkovski,
ça me refile la nausée et pendant plusieurs nuits
encore… Laisse Solaris là où il est, avec
Andreï, dans les étoiles…
J’étais perdu avec mon pote AB
au sud de Paris et nous voilà crachotant comme des lâches,
s’empêchant de regarder les affiches des nouveaux films
placardés sur les panneaux publicitaires prêtes
à nous convaincre, sur le bord des grandes artères
de la Capitale, pour ne pas souffrir et se révolter,
pour reprendre des forces, en refusant le présent, tout
le présent en bloc. Ce présent qui nous abîme,
nous fait reculer…
On s’était remis à écrire alors, chacun
pour soi. J’étais passé en province présenter
un bout de moi cinématographié et je suis rentré
si seul si lent, que toute ma peine est revenue à la
charge se charger de mes sens et a tout déchiré
à nouveau en moi, là, tout au fond de moi, il
n’y a donc plus rien d’autre que de la solitude et du dégoût
de voir le cinéma s’attiédir. C’est pas faire
du cinéma qui apparaît comme compliqué,
c’est surtout la suite : bavarder pour ne rien dire, s’expliquer,
se justifier, lécher quelques derches, et ça,
c’est vraiment dégueulasse. J’avais rêvé
d’une fille, je vous l’avoue, mais alors dans le genre de Rita
Hayworth et encore toute blonde comme une dame de Shanghai,
comme on se mettrait à genoux et qu’on se tairait alors
enfin, tellement elle vous comprend et qu’elle sonde le mal
qui vous ronge avec une si pieuse attention, cette rage artistique
que je ne pouvez taire ni consoler. De quoi me rendre de l’appétit,
de quoi vous faire croire en la force des images, à nouveau...
Des films, je n’en voyais plus maintenant,
rien qu’enfermé en haut de ma tour, seul, dans le noir,
seul, après même que le silence, oui le silence
se soit préalablement emparé de chacun de mes
sens, afin que je ne m’appartienne plus, ni à la réalité
ni à autre chose de moche... J’avais laissé tomber
quelques larmes, comme ça, pour laver mon parquet et
je me suis renfilé un peu Chaplin, pour me remuer dans
mon chagrin, et puis je me suis avalé quelques drames
encore, dont l’histoire seule vous arrache toutes les veines
du corps d’un seul coup. C’était pas comme ces films
d’aujourd’hui, d’une arrogance incroyable, prétentieux
et tout ; c’était plus pour moi, un formidable entrain,
de quoi vous remettre debout visa et s’emballer de nouveau.
Mes yeux ont eu besoin de noir et blanc quoi ? Comment
vous dire ? Comment leur dire ?
Je me revoilà en train de cisailler un nouveau scénario.
Peut-être aura-t-il plus de chance(s) que les autres.
Après tout, il y a une chose à ne jamais cesser
de faire : écrire. Ecrire encore et toujours. Ecrire
c’est apprendre. Faire des images aussi. Il y a à ce
sujet un conseil opiniâtre de l’écrivain Henri
Miller. Comme quoi, ça a porté ses fruits. Parce
qu’on connaît ses livres et quoi qu’en disent les réfractaires,
les critiques acerbes, à gerbe, les blabla jaloux et
avares, elle existe quand même cette œuvre.